Page:Montreuil - Le secret de Zilda, conte canadien, paru dans Mon Magazine, février 1926.djvu/13

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demandait l’homme de Dieu.

— « Oui, répondait la mourante, mais je veux qu’il ne lise qu’après mes funérailles, parce que je ne veux pas que le dernier regard qu’il jettera sur ma dépouille en soit un de dégoût et d’horreur ».

— « Dieu vous pardonnera, murmura le ministre de l’Église, ne pensez plus qu’à Lui. »

Quelques instants plus tard, Hermas entra dans la chambre de sa chère femme, qui n’avait déjà plus la force de parler. Le prêtre lui transmit le message suprême, mais le pauvre homme terrassé par la douleur ne chercha pas le pourquoi de ce caprice d’une moribonde. Il tomba à genoux auprès du lit, secoué de sanglots.

VII


Pendant plusieurs jours, le veuf fut comme étourdi par son chagrin et demeura à l’écart de toute nouvelle du dehors.

Il ignorait donc encore les démarches qui avaient été faites auprès du procureur général en vue de libérer un malheureux qu’une erreur de justice avait fait détenir depuis sept ans au pénitencier de Saint-Vincent de Paul, lorsque, trois jours après les funérailles de Zilda, le bon curé vint veiller avec lui et conseilla de lire immédiatement le cahier laissé par la morte. Le brave homme, qui connaissait le contenu de ce document néfaste, voulait être là pour atténuer par son amitié et ses conseils le désespoir qu’il prévoyait.

Et ce fut en présence de son ami que Hermas lut la triste histoire que voici. Certes, Zilda n’était pas un écrivain, elle n’avait pas visé à l’éloquence, mais elle avait écrit avec son cœur repentant un épisode tragique, dont les conséquences néfastes avaient été bien au delà de son imprévoyance.


L’HISTOIRE DE ZILDA


Lorsqu’elle sortit du pensionnat des Ursulines, à Québec, Zilda Nangin était une bonne jeune fille, que tout le monde estimait. Mais elle était jolie, et sous une apparence de modestie timide, elle était vaniteuse et aimait le luxe. Durant les années qu’elle avait passées au couvent, elle s’était bercée des plus belles illusions pour l’heure de son entrée dans le monde ; elle pensait naïvement que l’austère maison de son oncle — un célibataire riche qui l’avait recueillie au berceau et élevée comme sa fille — se transformerait en un palais de tous les enchantements, pour fêter la jeune débutante.

Je vous laisse à mesurer l’ampleur de son désappointement, lorsqu’au lendemain de son retour définitif dans la demeure du vieux garçon, celui-ci se