Page:Montreuil - Le secret de Zilda, conte canadien, paru dans Mon Magazine, février 1926.djvu/14

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contenta de lui dire sur le ton de la bonté qu’à l’avenir elle devrait partager avec la vieille ménagère, Lisette, les soins au ménage.

De fêtes, de bals, de soirées, où la naïve pensionnaire avait rêvé d’éblouir ses anciennes compagnes par la magnificence de ses toilettes et sa beauté triomphante il n’en fut jamais question. Et le vieux garçon avare, eut certainement douté de l’équilibre cérébral de sa nièce, si la pauvre jeune fille eût osé lui dévoiler, les pensées qui s’étaient égarées dans son esprit. Zilda fut seule à connaître l’étendue de son désenchantement. Elle avait peu d’amies, car son oncle ne la conduisit pas dans le monde, comme elle l’avait espéré ; toutes ses distractions se bornèrent donc à quelques visites échangées avec ses anciennes compagnes de pensionnat. Encore se sentait-elle gênée par la simplicité de sa mise, devant les riches toilettes de quelques-unes d’entre elles.

Elle sortait rarement, s’intéressant à la musique et surtout à la lecture. Elle lisait de préférence des histoires merveilleuses où des princes charmants enlevaient des jeunes filles malheureuses et les emportaient au pays des fées. Abandonnée à elle-même, au lieu de s’appliquer à quelque étude sérieuse qui eusse dissipé l’ennui et orné son esprit, elle laissa de dangereuses chimères s’emparer de son âme.

Chaque fois qu’elle rencontrait une jeune fille mieux mise qu’elle, la malheureuse Zilda se disait avec dépit : « Ah si mon oncle était plus généreux, j’aurais moi aussi, de belles robes et de beaux chapeaux que mes amies m’envieraient. »

La pauvre enfant n’avait que dix-huit ans, elle n’était pas à l’âge de la sagesse, sans doute, et c’est pour cela qu’elle ne comprenait pas que les seuls biens enviables, en ce monde sont un cœur droit et un esprit cultivé.

Parfois, lorsqu’elle voyait son oncle serrer de gros rouleaux de billets de banque dans son coffre-fort, elle pensait : « Que de jolis colifichets je pourrais acheter avec quelques-uns de ces billets ! » Mais il ne venait jamais à la pensée du brave homme de lui en offrir de ces beaux billets qu’elle ne faisait qu’entrevoir. Et monsieur Nangin était loin de penser que sa nièce était profondément malheureuse sous son toit.

Si quelqu’un eût osé lui faire une remarque à ce sujet, le bon oncle aurait répondu en toute honnêteté : « Ma nièce ne manque de rien, elle a tout le confort désirable, dans ma maison. »

Sans doute, Zilda avait dans la maison de son oncle, tout le confort que peut donner l’aisance, mais elle s’ennuyait, et l’ennui est un dangereux conseiller pour