Page:Montreuil - Le secret de Zilda, conte canadien, paru dans Mon Magazine, février 1926.djvu/3

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taquineries de ses amis, en attaquant à pleine voix quelque refrain populaire.

Ce soir-là, il venait de lire à ses voisins le récit d’une affaire tragique qui révoltait toute la ville.

Le jour de Pâques, un inconnu était entré chez un riche avocat de la haute ville, et après avoir assailli une jeune fille qui se trouvait seule au logis, le misérable s’était emparé d’une somme considérable que le maître de la maison avait imprudemment laissée dans le tiroir d’un secrétaire.

Les auditeurs de Pierre Nado avaient fait sur cette affaire divers commentaires, et comme une bonne vieille menaçait de s’éterniser dans l’expression de son apitoiement, sur le sort de la « pauvre demoiselle et du pauvre monsieur » victime de cet attentat, Pierre Nado fit brusquement cette sortie qui mit fin aux lamentations de sa voisine : « Voyons, la mère, gardez votre sympathie et vos larmes pour vos amis, car pour ces riches, vous devez bien savoir que des gens pauvres comme nous, ça ne vaut pas une puce de leurs chiens. »

Et, selon son habitude, il se mit à chanter. Il avait encore aux lèvres les bribes d’un refrain joyeux, lorsque deux policiers tournèrent le coin de la rue et se dirigèrent vers le groupe dont Pierre était le centre. En les apercevant, il fit d’un ton badin cette réflexion : « En voilà deux qui doivent se tromper d’adresse, car il n’y a que des honnêtes gens dans la rue Plançon. »

Cependant, les policiers s’étaient, approchés. L’un d’eux demanda à Pierre : « C’est vous qui êtes Pierre Nado ? »

— « Absolument, de la tête aux pieds », répondit l’ouvrier sans perdre sa bonne humeur.

— « Je vous arrête au nom de la loi » dit l’émissaire de la justice. Cette fois, Nado pâlit : « Pourquoi m’arrêtez-vous ? » demanda-t-il, d’une voix qui n’était plus assurée.

— « Ce n’est pas à moi de vous l’apprendre, répliqua le policier avec rudesse ; vous devez en savoir plus long que moi sur ce sujet. » Et s’emparant des mains de Nado, il y passa les menottes infamantes.

La femme et les enfants de Nado voulaient se jeter entre lui et les agents de la loi, mais ceux-ci, s’armant de leurs bâtons, prouvèrent qu’ils étaient décidés à s’en servir, sans égard à l’âge ni à la faiblesse. La pauvre femme ne sut plus que serrer ses petits autour