Page:Moréas - Esquisses et Souvenirs, 1908.djvu/120

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vaines expériences. Enfin il trace une éclatante image de la maturité de Gœthe, et il nous le montre repentant d’avoir travaillé avec les destructeurs, tout occupé à renouer la tradition rompue et tendant ses lèvres avides à la perfection et à l’intégrité antiques.

Il est agréable d’entendre Nietzsche disserter sur l’admirable architecture de la Tragédie française. Certes, il ne faut pas dédaigner la couleur et la vivacité du drame espagnol ; il faut toujours adorer Shakespeare, qui est la poésie même. Celui, cependant, qui ne sait pas discerner que Corneille, malgré ses lacunes, et Racine, tout parfait, possèdent le seul art véritable, depuis l’antiquité, mérite qu’on lui adresse l’apostrophe du chœur d’Œdipe à Colone : Hélas ! ô malheureux, serais-tu né avec des yeux aveugles ?

Ce que Nietzsche dit du saut en arrière dans le naturalisme, dans les commencement de l’art, est excellent, et les poètes ne nous manquent pas qui devraient en prendre note. Lessing a peut-être rendu des services à la langue allemande, mais sa Dramaturgie n’est pleine que de froides et rebutantes plaisanteries. C’était un balourd, assez instruit, qui vivait au milieu d’une société sans grandeur. Il s’était mis dans la tête de bâtir sa réputation sur les ruines de l’influence française… Lessing faisait montre d’un