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grand dégoût pour Corneille. Il l’appelle bousilleur et l’accuse d’avoir mal interprété Aristote. La belle affaire, quand on a écrit Horace et Rodogune ! Lessing avait composé des pièces fort ridicules, et il se flattait de refaire les tragédies de Corneille mieux que lui.

Lord Byron disait : Je regarde Shakespeare comme le pire des modèles, quoique le plus extraordinaire des poètes.

Il est certain que Byron a cherché constamment l’expression capable de limiter l’extravagance de ses sentiments, et qu’il avait le sens et le regret de l’ordre classique. Quant à ses paroles sur Shakespeare, il faut s’entendre : la poésie qui coule, je dirai paisiblement, dans l’œuvre du grand tragique est de la meilleure qualité, mais la forme dramatique qu’il a subie donne le plus mauvais exemple. Le tourneur et ses acolytes, les romantiques français et allemands, passèrent à côté de la poésie shakespearienne et ne s’engouèrent que de la forme.

Nous trouvons aujourd’hui les tragédies de Voltaire dénuées de saveur et de force, semblables à un vin plat. Nous n’avons pas tout à fait tort ; mais Nietzsche a raison d’appeler Voltaire le dernier des grands poètes dramatiques qui entrava par la mesure grecque son âme… Il fut, sans contredit, le premier de son temps dans l’art de Corneille et de Ra-