Page:Moréas - Les Premières Armes du symbolisme, 1889.djvu/28

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dre ces libertés condamnées. Il y a là encore comme un plaisir de péché, en même temps qu’un moyen d’effets nouveaux. Leurs infractions à l’hiatus restent rares, mais ils se sont décidément affranchis de la césure et de l’alternance des deux rimes. Ils obtiennent avec des rimes exclusivement féminines des pièces chuchotantes, aux nuances effacées, avec des rimes exclusivement masculines des sonorités redondantes, impossibles sous le joug des anciennes règles. M. Verlaine, en particulier, est un des plus habiles jongleurs qui aient jamais joué avec notre métrique. Le vers, entre ses doigts, est comme la cire du sculpteur capable de s’assouplir à toutes les formes. Il a inventé plusieurs rythmes très vivants sous son souffle, et il a introduit dans la poésie savante les vers sans rime correspondante de notre poésie populaire. Les strophes suivantes, que nous choisissons dans les Romances sans paroles, et dont le charme est appréciable même pour le lecteur non décadent, contiennent à la fois un exemple de ce vers privé de rime et un exemple de l’un des rythmes qui appartiennent à M. Verlaine.


Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie
Ô le chant de la pluie !