Page:Moréas - Les Premières Armes du symbolisme, 1889.djvu/29

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Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine.


Novateurs dans la métrique, les poètes décadents ne le sont pas moins dans la langue. Enragés de délices inconnues, ils essaient d’exprimer ce qui a semblé inexprimable jusqu’à présent. Ici nous pénétrons dans l’obscur et sybillin domaine où M. Stéphane Mallarmé est roi.


Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme des hautbois, verts comme des prairies,
Et d’autres corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Ainsi parlait Baudelaire dans un sonnet intitulé : Correspondances. Les décadents en ont tiré un système de notation à faire frémir dans leurs tombes les vieux grammairiens, gardiens têtus de la pureté de la langue. Outre les