Page:Moréas - Trois Contes, 1921.djvu/12

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Moins aveuglé par sa passion, l’amoureux Frédéric eût facilement démêlé l’inutilité de sa conduite. Car, en vérité, Monna Jeanne ne se souciait point de lui, et elle avait trop de vertu pour songer aux présents et aux libéralités.

Mais il gaspillait toujours, sans rien acquérir, et il fut réduit bientôt à l’extrême pauvreté. Il ne lui restait de toute sa fortune qu’une chétive métairie.

Frédéric n’avait point cessé d’aimer sa dame, et il désespérait de l’adoucir. Il s’en alla donc aux champs, où était sa maison, et il vécut triste et solitaire, n’ayant pour toute compagnie qu’un faucon, lequel en vérité était alerte, courageux et beau.

Il arriva qu’un jour le mari de Monna Jeanne tomba malade et trépassa.

Il laissait de grandes richesses à son fils, déjà grandelet : et il ajoutait dans son testament que son épouse chérie en deviendrait l’héritière si l’enfant venait à mourir.