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Page:Moréas - Trois Contes, 1921.djvu/20

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— Madame, depuis le jour que le ciel a voulu me rendre amoureux de votre beauté et de votre vertu, le destin s’est montré souvent et diversement rigoureux envers moi, et, vraiment, j’ai pu me plaindre de lui à bon droit. Hélas ! je devais connaître combien la détresse passée était légère à porter au prix du tourment que j’endure aujourd’hui. Ah ! je ne pardonnerai jamais au destin cette dernière atteinte. Quoi ! madame, vous m’avez dédaigné lorsque j’étais riche et puissant, et vous venez à présent dans ma pauvre maison me demander un petit don, et je ne puis vous l’octroyer… Vous saurez pourquoi, en peu de mots : Aussitôt que j’appris que vous vouliez me faire la grâce de dîner avec moi, je me demandai plein d’anxiété par quel moyen je pouvais, étant si misérable, vous traiter convenablement. Alors je me suis souvenu de mon faucon, et j’ai pensé que ce serait un mets digne de vous. Madame, ce matin vous avez eu mon faucon tout rôti sur votre assiette… Hélas ! je croyais