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58i ZIZ.

lors que fon père n’étoit pas encore Souverain : de forte que Bajazet étoit fils de Mahomet homme privé , & Zizime fils de Mahomet Sultan ou Grand-Seigneur. Cependant le parti de Bajazet fut le plus fort ; &.Ziiime,qui n’ayant pas la commodité de la Mer, fit fon voyage par la Bithynie , y apprit en chemin le couronnement de fon trere. Une fi fàcheufe nouvelle ne lui abattit pas pourtant le courage : il marcha à grandes journées vers PrufTe, ancienne demeure des Empereurs Ottomans , 6c s’empara de la Ville. Puis il tâcha , par le moyen de fes amis , d’attirer dans fon parti les Grands de la Porte, & renforça de jour en jour fon armée. Bajazet, craignant que fon frère ne fe rendît maître de J’Afie , envoya contre lui Achmat avec une armée nombreufe. Le Bâcha fit une extrême diligence , 8c fe vint camper dans une Plaine peu éloignée de Prulfe. Ziiime fortit en campagne à la tête de fa Cavalerie , ik ayant découvert les troupes d’Achmat, feréfolut à donner bataille , mais il fut mis en déroute. Ainfi il fut obligé de chercher du fecours auprès du Soudan d’Egypte , du Roi de Çilicie, & du Grand-Maître de Rhodes , tous mortels, ennemis des Turcs. Il fe mit donc en chemin, accompagné feulement de quarante Chevaux ; & marchant jour & nuit par des Pais inconnus , il gagna peu à peu la Syrie , d’où, paffant par les Déferts de l’Arabie , il fe rendit enfin au Caire.

Cait-bei Soudan d’Egypte reçût Zizime , comme un grand Roi , 8c fit un pareil accueuil à fa femme 8c à fes enfans, qui vinrent au Caire après lui : mais fa médiation auprès de Bajaiet , pour accorder les deux frères, ne fervoit qu’à faire perdre le tems. Cependant le Grand Caraman, que Mahomet avoit dépouillé du Royaume de Cilicie, appelle maintenait Caramanie , envoya un AmbalTadeur à Zizime , & lui promit du fecours. Zizime lailTa fa femme 8c fes enfans au Caire fous la protedtion du Soudan , èi alla joindre le Grand Caraman , à qui le Grand-Maître de Rhodes avoit envoyé cinq Galères. Ces deux Princes campèrent avec leurs troupes alTez près de Laranda , Ville de Cappadoce. Auffi-tôt Bajazet vint à la tête de cent mille hommes, pendant qu’Achmat ftiîbit avancer fon armée, qui avoit palTélhyver dans la Lycaonie. Le Grand Caraman remontra à Zizime qu’il y auroit de la témérité à donner bataille : ce qui porta Zizime à propofer un défi à Bajazet pour terminer leur différent par un combat particulier en ■ préfence des deux armées ; mais Bajazet lui fit une autre propofition , qui fut de lui donner telle Province qu’il lui plairoit fur les frontières de la Turquie ; avec deux cens mille écus d’or chaque année. Se une Cour digne de fa naiflance. Zizime voyant qu’on l’amufoit de belles paroles , prit enfin le parti de la retraite. L’avis qu’il eut qu’on le pourfuivoit , l’obligea de fe fauver avec peu de gens dans les détroits les plus déferts du Mont Taurus. Le Caraman t’y fuivit bien-tôt , 8c y amena fes troupes. De-là Zizime écrivit à Rhodes parun de fes plus zelez ferviteurs , qui fiit furpris par les Turcs, 8c conduit devant Bajazet, lequel ordonna qu’on le fît mourir fur le champ. Dès que Zizime fût cette nouvelle , il quitta le Mont Taurus , 8c prit le chemin de la Lycie. vers la Mer, avec le Grand Caraman. A peine furent-ils fortisdes détroits de la montagne , que leurs troupes furent invefties 8c taillées en pièces par Achmat. Ce nouveau malheur fitrefoudre lejeune Prince d’envoyer au Grand-Maître de Rhodes deux Ambafladeurs , qui trouvèrent par hazard à cette côte uneGaliotte de la Religion, où ils s’embarquèrent.

Comme cette affaire pouvoit être utile à la Chrétienté , les Chevaliers étant maîtres de la deftinée d’un Roi, qui étoit l’héritier de Mahomet, il fut réfolu dans le Confeil, qu’on recevroit Zizime : 8c le grand Navire du Thréfbr fut commandé avec une galère 8c d’autres vaifTeaux , pour l’aller quérir. On le rencontra le long des côtes de la Lycie , où il avoit été contraint de fuïr , pour éviter les gens de fon frère quilepourfuivoient, avec ordre de le prendre mort ou vif Zizime fut reçu magnifiquement à Rhodes , le 30. Juillet 1482,. &c Bajazet n’en eut pas plutôt la nouvelle , qu’il s’impatienta de condurre la Paix avec le Grand-Maître , qu’il avoit demandée dès fon avènement à la Couronne : 8c lui renvoya les vaifTeaux de la Religion , qui avoient été pris depuis la Trêve , par les Corfaires de Lycie. Zizime s’imagina que fon frère ne vouloir la Paix’que pour avoir une occafion favorable de le perdre , 8c que, quand le commerce feroit hbre entre les Rhodiens 8c les Turcs, il auroit tous les jours à craindre ou le fer, ou le poifon. Dans ces penfées il réfolut de chercher ailleurs un afyle , 8c prelfa le Grand-Maître de lui donner fon congé , pdftr aller trouver le Roi de France. Avant fon départ, il fit expédier trois ades authentiques, qu’il mit entre les mains du Grand- Maître. Le premier étoit un pouvoir très-ample de traiter avec le Grand-Seigneur , 8c de condurre la Paix comme bon lui fembleroit. Le fécond étoit une efpece de Manifefte pour la décharge des Chevaliers , par lequel ce Prince dédaroit qu’il avoit demandé lui-même à fortir de Rhodes : Etletroifiéme étoit une confédération perpétuelle du Prince, 8c de fes enfans avec la Religion de S.Jean de Jerufalem , au cas qu’il vînt à rentrer dans fes Etats. Par cetAftc,il promettoitfolemnellementàDieu,8c à leur Grand Prophète , que s’il recouvroit jamais ou entièrement , ou en partie , la Couronne Impériale de fon père, il entretiendroit une Paix confiante 8c une amitié inviolable avec le Grand- Maître de l’Ordre de S. Jean de Jerufalem ; à quoi il s’engageoit lui 8c fes enfans, &c les enfans de fes enfans. 11 promettoit encore avec lérment de rendre à la Religion toutes les liles , toutes les terres, 8c toutes les Forterefles que les Empereurs Ottomans avoient prifes fur les Chevaliers. Zizime partit de Rhodes le premier jour de Septembre 1481. dans le grand Navire de la Religion , accompagné du Chevalier de Blanchefort 8c de plufieurs autres pour lui fervir d’efcorte. Quelque- tems après , Bajazet promit de vivre en paix avec les Chevaliers de Rhodes , à la charge que le Grand-Maître tiendroit toujours Zizime fous la garde de fes Chevaliers , 8c feroit tout ce qu’il pourroit pour empêcher que ce Sultan ne tombât entre les mains d’aucun Prince ou Chrétien, ou Infidèle. Il s’engagea même à payer quarante cinq mille ducats , monnoyc de Venife , tous les ans, pour la fubliftance 8c la garde de Zizime. Ce Prince étant arrivé en France, fut reçu du Roi allez froidement : ainfi il demeura fort peu de tems à la Cour , 8c les Chevaliers k conduifirent dans la Commmandciie de Bourg-ZNA. ZOA. ZOC. ZOE.

neuf, qui eftune Place fur les confins du Poitou & de la Marche, agréablement fituée, 8c même affez forte, où les Grands- Prieurs d’Auvergne font leur demeure. Le Chevalier de Blanchefort , auquel le Grand-Maître avoir confié particulièrement la perfonne de Zizime , eut foin que le Prince ne s’ennuyât pas, mais avec toutes fes honnêtetez il ne laifToit pas de l’obferver , pour empêcher qu’on ne le tirât d’entre leurs mains ou par artifice , ou par force.

Cependant les Rois de Hongrie, de Sicile ,8^ de Naples, firent tous trois d’inftanres prières au Grand- Maître , pour avoir Zizime en leur difpofîtion. Le Soudan d’Egypte le demandoit en inême tems, pour le mettre à la tête de fon armée contre Bajazet. Mais le Grand-Maître jugea plus à propos de l’envoyer auprès du Pape Innocent VÎII. qui l’avoit aulE demandé. Ainfi après avoir obtenu l’agrément du Koi Charles VIII. le Prince Zizime, qui s’ennuyoit de mener une vie privée 8c obfcure en France, depuis fix ans , fut conduit en Italie par le Chevalier de Blanchefort, qui avoir été élu Maréchal de fOrdre , 8c Grand-Prieur d’Auvergne , ô£ arriva à Civita-Vecchia , le 6. Mars r489. Léonard Cibo parent du Pape y reçût ce Prince ; & mit entre les mains du Grand-Prieur de Blanchefort le Château de la Ville qu’on a’ oit deftinéau logement de Zizime. Le Cardinal d’ A ngers vint au devant de Zizime , à douze mi les de Rome , avec le Prince François Cibo ; 8c ils le menèrent droit à Rome , ou il entra avec pompe. Le Pape Innocent, qui prétendoit affranchir l’Orient de la tyrannie des I nfidéles , fe promit des fuccès heureux , à la vue du Sultan Zizime, mais il mourut fans voir l’effet de fes efperances. Son SuccefleurAlexandre VI, commença prefque fon Pontificat par fe rendre maître de la perfonne de Zizime, contre le Traité qui avoit été fait entre Innocent VIII. Si le Grand-Maître de Rhodes. Il fit enfermer ce Prince dans le Château Saint Ange , 8c ôtant d’auprès de luiles Chevaliers , qui y avoient toujours été , il le confia à fes Neveux , dont l’un, étoit Chevalier de Rhodes. Le l^ape avoit pris ombrage de l’armée Françoife, qui fe prrparoit au voyage d’ Italie, 8c vouloit avoir dequoi traverfer ou féconder les deffeins du Roi de France , félon qu’il lejugeroit à propos , parce que Charles Vni. ne méditoit pas feulement la conquête du Royaume de Naples,raais aufîî celle de la Grèce. Le Roi étant arrivé à Rome demanda au Pape le SultanZizime. dans le deflcin de porter fes armes au Levant. Alexandre Vl.qui ne pouvoit pas le refufer, le rendit parun Adle folemnel 8c dans une Cérémonie publique. Ce Prince partit de Rome avec le Koi pour aller à Naples , 8c enfuite féconder l’entreprife des François : mais fur le chemin il fe fentit frapé d’un mal inconnu , qui l’emporta en fort peudejours. Cette mort furprit tout le monde ; 8c on eut peine a en découvrir la caufe. 11 y en eut qui dirent que les Vénitiens , corrompus par l’argent des Turcs , Si allarmez de l’expédition des François, lui avoient fait donner du poifon fecretement. Plufieurs accuferent le Pape de l’avoir livré tout empoifonné à Charles VIII. afin que la France n’en titât aucun avantage ; 8c même le bruit courut que le Pape avoit reçu pour cela deBajazetune grande fomme d’argent. Quelques-uns ont crû qu’il mourut Chrétien , 8c qu’il avoit reçu le Baptême à Rome pendant le règne d’Innocent VlH. Mais les Auteurs qui ont le plus parlé de ce Prince, ne difent riendefaconverfion.

  • P.Bouhours, Hifioire d’ Aubuffon.

ZN. ZO.

ZNAIM ou Znoimo , Ville d’Allemagne dans la Moravie. Elle a été très-fouventprife 8c reprife durant les dernières guerres d’Allemagne ; mais fur tout en 164J. qu’elle fut emportée par les Suédois. * Baudrand.

ZOARE, en Latin Pifidon, grande Ville d’Afrique en Barbarie, fur la côte du Royaume de Tripoli, avec un beau port. Enrç^i. quelques-uns de fes habitans, qui étoient efclaves à Malthe , promirent d’y conduire les Chrétiens fort fûrement, fi on leur donnoit la liberté. Ce qui leur fut accordé , &C la conduite de cette entreprife fut donnée au Prieur de Capouë.qui partit pour la fiaire réuffir avec 16. vaifTeaux 8c 301. Chevaliers. On mit pied à terre la veille de l’Afl’omption, 8c les mefures ayant été prifes pour l’attaque on donna l’afTaut 8c onpritlal’lace,queleshabitansfurprisnefurentpointenétatde défendre. Le combat fut rude, car on dit que ces Chevaliers ayant rompu leurs armes à force de s’en fervir , fautoient au cou &C au corps des Mores pour les étouffer. • BoifTat, Hifl. de l Ordre de S. Jean li. l.

ZOCOTORA, ouSocoTARA, Ifledela Mer des Indes, vers

l’embouchure du détroit de Babelmandel. Elle a été connue des Anciens, fous le nom de Diofioride ou Diofcurias. On ne fait qui en a fait la découverte , mais elle fut reconnue par un Portugais nommé Edouard de Zeme l’an ijoy. Sa côteparoît de loin parla hauteur de fes rochers qui en rendent l’approche très-dangereufe , auflTi les vaifTeaux étrangers ne fe bazardent d’y aller mouiller, que fous la conduite d’un Pilote du Païs ;il n’y a qu’une Ville qui alemême nom quel’Ifle. L’air y eft naturellement chaud , mais les Vents de Merle tempèrent. La terre eft montagneufe , feche 8c fterile, il s’y rencontre toutefois quelques vallons où l’on trouve des herbages qui nourriflent beaucoup de bétail. Les fruits 8c particulièrement les dattesy font en abondance : l’encens 7 eft fort commun. L’ Aloës qui y croît eft cxcellent,& les Droguiftes l’appellent pour cela Socotaria. Les Peuples font originaires d’Arabie , ce qui fe juflifie afTez par la conformité qu’ils ont avec les Arabes en leur langage , en leurs habits &c en leurs coutumes. Le commerce de ces Infulaires roule furie Négoce de leurs dattes. Ils font belliqueux 8c craignent peu la mort. La perfidie leur eftnaturelle 8c ils la déguifent, fous des douceurs apparentes , quand ils traitent avec les étrangers ; ils font delà Religion MahometaneSc ne fouffrent l’exercice d’aucune autre : ilsobéiffent à un Roi qui eft Tributaire du Cherif de la MecqUe. * Phne , l. ô.Daviti , de l’Afrique. Linfchot, Voyages ch.^.

ZOE’, fille de Conftantin /e 3e«wc 8c del’ImperatriceThéophanie, fut donnéeen mariage à l’Empereur Romanus III. de ce nom, furnommé Argyrophile ; duquel s’étant dégoûtée ?x. l’ayant fait étrap’gler dans le bain , elle époufa Michel Paphlagon Orfèvre , dont elle etoit devenue amoureufe,ôc le mit fur le trône. Celui-ci,qui n’avoitrien de beau que »