Aller au contenu

Page:Moréri - Grand dictionnaire historique - 1759 - vol. 8.djvu/884

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoient été donnés, en augmentait les priviléges, & principalement ceux de sa jurisdiction. S. Louis confirma encore cette charte en 1269. L’abbé donc & les religieux seuls entreprirent de rétablir leur maison. Raoul, pour lors abbé, homme simple, mais plein de vertu & de religion, jetta les fondemens de la belle église qui subsiste aujourd’hui. Il paroît par tous les miracles qui s’opérèrent pendant qu’on y travailloit, que Dieu bénit cette entreprise. On lit dans la chronique de Rouen, que les seigneurs & les peuples du pays témoignerent le plus grand zèle pour la faire avancer ; ils venoient de toutes parts faire leurs offrandes, leurs prières ; plusieurs même par dévotion venoient nuds pieds & couverts d’habits pauvres, pour avoir plus de mérite ; les uns servoient les ouvriers, d’autres traînoient des chars. Guillaume de Ponthieu se confondit avec quelques habitans d’Argentan, qui voulurent aussi signaler leur zèle en s’acquittant de ces œuvres de piété. Toutefois Raoul n’eut point la consolation de voir finir cet édifice, son gouvernement n’ayant été que de 4 ans & 4 mois : elle fut réservée à Haimon qui mourut en 1143. Cette maison reprit un nouveau lustre, qu’elle soutint jusqu’à l’établissement des commendes. Dès ce moment la discipline réguliere y tomba entierement. L’église & les bâtimens pour la plupart tomboient en ruine, lorsque Jacques de Silly, évêque de Séez & abbé de S. Pierre-sur-Dive, en fit faire les réparations. Les sommes immenses qu’il y employa l’en ont fait regarder comme un des restaurateurs : il l’a possédée 36 ans. Du temps des troubles de la religion, les Calvinistes pillerent la maison, détruisirent une partie des bâtimens, & enleverent ce qui restoit d’argenterie dans le trésor de la sacristie. Georges Dunot, conseiller au parlement, en ayant été nommé abbé pendant la minorité de Louis XIV, ne put voir sans douleur le triste état où il la trouva, tant pour le spirituel que pour le temporel : c’est ce qui lui fit prendre la résolution d’y introduire les religieux de la congrégation de S. Maur. S’étant arrangé pour cela avec les supérieurs majeurs de ladite congrégation, il les en mit, pour ainsi dire, lui-même en possession le jour de S. Jean-Baptiste 1668, ou plutôt il assista à cette cérémonie, qui fut très-auguste par le concours extraordinaire de monde qui s’y trouva. Depuis cette introduction l’église a été parfaitement réparée, & tous les lieux réguliers entierement renouvellés, de sorte que cette abbaye est aujourd’hui en bon état. Elle vaut à l’abbé 15 ou 16 mille livres, & paye pour les bulles à la chambre apostolique 800 florins. L’abbé est comte de S. Pierre-sur-Dive. * Mém. mss. de D. Boudier, abbé de S. Martin de Séez.

PINGON. Il paroît par plusieurs titres, que la maison de Pingon en Savoye, est la branche cadéte de celle de Pingon d’Aix en Provence, & qu’ils ont de tous les temps porté les mêmes armoiries, qui sont une fasce d’or en champ d’azur, jusqu’à Pierre de Pingon, frère puîné de Louis, qui selon la coutume des bonnes maisons, prit différence dans ses armes, de deux girons d’argent à fasce d’or, à l’exemple de Henri de Pingon son oncle, gouverneur & lieutenant de Valence & de Die pour Amé, comte de Savoye, environ l’an 1340.

Cette branche cadéte, établie en Savoye, a donc continué de porter ces armoiries, avec cette différence, jusqu’à l’extinction de la premiere lignée, que le transport ou droit de les porter à fasce d’or lui sur remis par Magdeléne de Pingon, chevalier, résident dans ladite ville d’Aix en Provence, comme vrais & légitimes successeurs esdites pures armoiries, les priant de les accepter & retenir désormais pour la mémoire & honneur de l’ancienneté de leurs maisons, comme il le voit par le traité du 11 juin 1566. Cette famille subsiste aujourd’hui en France en la personne de Hyacinthe de Pingon, marié à mademoiselle de Malyvert de Conflans. Il a deux freres, dont l’un est Gaspard de Pingon, chanoine de l’église & comte de Lyon, vicaire général du diocèse de Vienne, & l’autre Marie-Hyacinthe de Pingon, chevalier de Malte, capitaine de galeres, commandeur de la commanderie des Fluillets en Bresse. * Mém. remis par la famille.

POITEVIN (Hervé le) d’une famille noble du diocèse de Coutances, étoit né à Damerville, paroisse proche Valognes, en 1665. Il y fit avec succès ses premieres études, & se distingua encore davantage par sa piété. Il entra chez les Eudistes en 1690, & s’y rendit utile en s’acquittant avec soin des différens emplois qui lui furent confiés. Vers 1720 ses supérieurs l’envoyèrent à Senlis, où il remplit avec édification un canonicat de la cathédrale, attaché au séminaire. Il sut s’y concilier l’estime & la confiance de l’évêque, qui connoissant ses talens, le chargea souvent de faire des missions dans les paroisses de la campagne, où l’on avoit pour lui une vénération particuliere. Après avoir passé près de trente ans dans ces pieux exercices, il mourut en odeur de piété, au séminaire de Senlis, le 7 novembre 1750, âgé de 85 ans. Il avoit toujours eu une dévotion particuliere à instruire & à catéchiser les peuples de la campagne, l’expérience lui ayant appris que c’est ordinairement parmi eux que les ministres de l’évangile font plus de fruit. Pour y perpétuer le bien qu’il y avoit fait, il a composé plusieurs ouvrages, très-propres à leur rappeller les instructions qu’il leur avoit donnés de vive voix. Les principaux sont, 1. Conduite chrétienne tirée des maximes de l’évangile. 2. Catéchisme pour instruire les enfans qui se disposent à faire leur premiere communion. 3. Méthode pour faire une bonne confession & communion. 4. Méthode pour bien faire le catéchisme aux enfans. 5. Instruction sur les commandemens de Dieu & de l’église. 8. Méthode pour vivre chrétiennement dans les familles & y conserver la paix. 9. Catéchisme pour apprendre à passer saintement les dimanches & jours de fêtes. 10. Maniere de sanctifier le jour anniversaire de son baptême. Tous ces ouvrages, la plupart écrits par demandes & par réponses, & d’un style très-simple, ont été recueillis en huit ou neuf volumes in-16, & plusieurs fois imprimés. * Mém. mss. de D. Boudier, abbé de S. Martin de Séez.