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et, en m’en allant, je n’ai rencontré personne dans l’escalier.

— Peut-être bien, fit la vieille dame… Dans tous les cas, ce n’était pas plus tard que onze heures et quart… C’est à ce moment que je me suis couchée après avoir vu ce que je vais vous raconter :

Je voulus donc calmer Mickey dont les grognements prolongés m’agaçaient… Je le fis taire et, machinalement, j’entrebâillai ma porte. Il faisait sombre. La lune passait un peu au travers des fenêtres du palier et c’est ainsi que je pus voir un homme… ou du moins une ombre que je pris pour un homme, qui montait lentement, sans bruit, vers l’étage supérieur…

— À mon étage, par conséquent, coupai-je…

— Oui… Il avait l’air de ne pas connaître les lieux… Naturellement dans la pénombre, il me fut impossible de distinguer son visage et même son vêtement, d’ailleurs, je m’enfermai aussitôt et n’y pensai plus…

— Et cet homme était seul ? demanda Delbarre.

— Je n’ai vu qu’une silhouette, mais comme il arrivait déjà au tournant de l’escalier, peut-être y avait-il une autre personne avec lui…

— Avez-vous entendu quelqu’un redescendre, ensuite ?

— Non, je ne me souviens pas…

— Pourtant, Mademoiselle Jeantet a dû partir vers ce moment-là…

— J’ai certainement dû descendre avant, inspecteur, ajoutai-je, sinon j’aurais nécessairement rencontré ces hommes…

— Pourquoi dites-vous « ces » ?

— Pourquoi ! Mais c’est tout naturel, voyons… Puisqu’il y a une victime, il fallait bien qu’il y eut aussi l’assassin…

— C’est juste, évidemment, murmura Delbarre. Pourtant, reprit-il, il est étrange que votre départ ait eu lieu si près de l’arrivée de… ces hommes et que vous ne vous soyez aperçue de rien…

Je réfléchis un instant.

— Après tout, répondis-je, inspirée, peut-être, en effet, ai-je pu sortir après qu’ils fussent montés…

Delbarre me considéra avec étonnement.

— Mais oui, continuai-je sans attendre sa question. Souvenez-vous que nous avons trouvé la porte de la cuisine avec le verrou tiré… C’est par là qu’ils ont dû pénétrer… Or, le palier du cinquième, comme vous pourrez vous en rendre compte dans un moment, est le dernier de la maison. Pour gagner les chambres du sixième on peut, soit emprunter l’escalier de service, dans la cour de l’immeuble, soit monter jusque chez moi et grâce à un passage situé à l’extrémité opposée du couloir, rejoindre l’entrée de service… C’est d’ailleurs ce que font la plupart des locataires du sixième…

— Dans ce cas, répondit-il, vous laisseriez supposer que les visiteurs connaissaient ce détail particulier à la maison ?

— Tout doit être envisagé ! Mais… j’ai une autre idée…

— Décidément, fit-il, avec un léger sourire amusé, je vais vous passer ma place… Dites toujours…