Page:Moran - Pourquoi le mort jouait-il du piano, 1944.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 23 —

— C’est bon ! a répondu « l’Érudit »… Sortons…

— Je te suis, a répondu le pianiste…

— Et alors, intervins-je haletante…

— Ben alors, c’est tout ce que je sais. Depuis, le pianiste… a cassé ses cordes, quant à « l’Érudit » personne à l’ « Antilope » n’a pu me dire où il est passé… On ne l’a pas revu…

— Où habite-t-il ?

— Je n’ai pas pu l’apprendre. Vous savez, ces types-là ne se font guère de confidences à ce sujet.

— Je vais tout de suite téléphoner cela à Delbarre, m’écriai-je…

— Non, non, Nicole… Ne mêlez pas la police à cette affaire… Vous allez me faire avoir des histoires… Je vous ai dit cela pour vous, mais pas pour que vous alliez le répéter, ni même en parler dans vos « papiers »… Uniquement pour essayer de vous tirer une épine du pied…

— Ayez confiance en moi, Pierre et je vous donne ma parole que vous n’aurez pas le moindre ennui…

— Soit, acquiesça-t-il à contre-cœur…

J’eus la chance de trouver Delbarre à son bureau. Lorsque je lui parlai de l’ « Érudit », sans lui révéler d’où je tenais le renseignement, il me répondit…

— Je connais cet oiseau-là… Un drôle de coco… Rien d’étonnant à ce qu’il ait trempé dans le meurtre… Pourtant, ce serait quand même la première fois qu’il commettrait un crime… Crapule cent pour cent, mais ayant horreur du sang… Mais on ne sait jamais avec de tels phénomènes. Attendez un instant, je vais voir si je puis trouver son repaire…

Anxieusement, j’attendis quelques minutes au bout du fil. Comme l’attente se prolongeait, je pensais à raccrocher, quand la voix de Delbarre retentit de nouveau…

— Allô… Je viens d’être informé par la brigade des garnis que notre homme doit actuellement loger à l’Hôtel des Trois Grâces, dans la rue Saint-Denis… Trouvez-vous dans un quart d’heure au coin des Boulevards et du faubourg Montmartre et nous irons ensemble…

Un quart d’heure plus tard, ayant laissé Pierre qui me recommanda une dernière fois la prudence à son égard, je rencontrai comme convenu Delbarre…

Sans un mot il m’entraîna…

L’Hôtel des Trois Grâces était un de ces hôtels interlopes dont les affaires se traitaient plutôt « à l’heure » qu’au mois…

De vagues relents de parfums à bon marché, de fumée de cigarettes vous accueillaient, la porte franchie. Dans le bureau, une petite bonne à la mine trop éveillée nous reçut avec un sourire complice au coin des lèvres, sourire qui se figea instantanément dès que Delbarre eut montré sa carte d’inspecteur et demandé à parler au patron…

Un instant plus tard, ce dernier se présentait. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, assez élégant, aux longs cheveux grisonnants, aux yeux bleus vifs et malicieux, mais empreints d’une astuce évidente. Lorsque Delbarre lui eut demandé s’il con-