Page:More - Du meilleur gouvernement possible, ou, La nouvelle isle d'Utopie, 1789.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
Livre I.

& de ces Républiques ; & c’eſt préciſément, comme je viens de le dire, ce que je me réſerve de faire connaître dans un autre moment. Quant à préfent, je me bornerai au récit qu’il nous a fait des mœurs, des uſages, & du gouvernement des habitans d’Utopie. Mais avant d’entrer en matière, je penſe qu’il ne ſera pas tout à fait hors de propos d’inſérer ici la converſation qui Je conduiſit inſenſiblement à nous parler de cette Iſle.

Notre voyageur venait de faire preuve de la plus ſaine judiciaire, en relevant avec une préſence d’eſprit admirable les défauts du gouvernement de chacun des Etats qu’il avait parcourus ; défauts qui, par-tout, ſont en aſſez grand nombre. Il avait, diſcuté avec tant de fîneſſe & de ſagacité les coutumes & les lois les plus ſagement établies, ſoit chez nous, ſoit chez ces étrangers, qu’il paraiſſait avoir fait de toutes, l’étude la plus approfondie. On eût dit, à l’entendre, qu’il avait paſſé ſa vie entière chez les peuples dont il parlait, quoiqu’il n’eût ſéjourné que fort peu de tems chez chacun d’eux. Pierre, émerveillé, ne put s’empêcher de lui dire : « Je ſuis bien ſurpris, mon cher Raphaël, que, poſſédant un ſavoir ſi rare, vous ne vous ſoyez pas encore attaché à quelque puiſſant Monarque :