Page:More - L’Utopie, trad. Stouvenel, 1842.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.

dans le monde des philosophes et des savants. Alors, le moyen âge tombait déjà en poussière ; une aspiration immense se faisait de toutes parts vers un nouvel avenir ; des géants d’érudition et de travail entassaient volumes sur volumes pour combler l’abîme de dix siècles de ténèbres et frayer un chemin à la marche si longtemps arrêtée de l’antique civilisation. Tous ces hommes laborieux s’émurent et s’inclinèrent devant le génie, presque divin, qui leur avait révélé la république utopienne. Les uns admiraient la hardiesse, l’originalité et la profondeur de la conception, les autres louaient particulièrement la verve, la pureté et la spirituelle aisance du style.

Guillaume Budé, le patriarche de la science en France, trouvait dans l’Utopie la trace d’un esprit supérieur, une grâce infinie, un savoir large et consommé ; il n’hésite pas à placer l’auteur de ce livre au nombre des premières gloires littéraires de son temps et à lui consacrer un autel dans le temple des muses. L’Allemagne paya aussi son tribut ; et une lettre de l’helléniste B. Rhénanus, à Bilibalb Pirckhémer témoigne assez que le talent et le nom de Thomas Morus y étaient en grande estime.

Il devait en être ainsi à une époque où l’éloge récompensait, sans exception, toute espèce de travail d’intelligence ; où la critique eût été absurde, parce qu’il fallait sortir au plus vite de la barbarie du passé, et que, pour cela, tous les efforts, tous les ouvriers étaient bons. Néanmoins, ces louanges, qui nous semblent aujourd’hui ridicules, n’étaient pas déplacée, en s’adressant à l’Utopie ; car ce livre, au commencement du XVIe siècle, était une œuvre