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moi, à deviner un poëte dans son premier cri, et à marquer ses premiers pas.


À LA FAYETTE.

(Provins, 31 octobre 1829.)


Est-il vrai ? La Fayette, après ce long voyage,
Sans cesse ralenti par un nouvel hommage,
Convié par l’amour à nos banquets obscurs,
Fait passer aujourd’hui son triomphe en nos murs !
Des fleurs que l’on jetait naguère à la puissance,
Citoyens, couronnez la gloire qui s’avance.
Le siècle des héros a commencé par lui,
Et le dernier de tous, il le ferme aujourd’hui.
Lorsque, prête à jaillir, une brûlante lave
Bouillonnait et grondait sous la patrie esclave,
Le nom de La Fayette, illustré dans le camp,
Fut le premier éclair échappé du volcan.

Armé pour s’affranchir d’un pouvoir tyrannique,
L’Américain tombait sous le fer britannique :
À la voix de ce peuple expirant sans secours,
Il s’indigne et, fuyant les voluptés des cours,
Va porter au combat un front encore humide
Des baisers et des pleurs d’une épouse timide,
Et depuis, aux vertus instruit par Washington,
Ressuscitant pour nous le héros de Boston,
Lorsque la liberté fleurit au Nouveau Monde,
Il nous en apporta la semence féconde ;
Il prévoyait qu’un jour la plante d’outre-mer
Saurait nous consoler d’un premier fruit amer.
Tour à tour accueilli, rejeté par la foule,
Quels tableaux différents sont histoire déroule !
Ici, le peuple entier qu’à défendu sa voix
L’élève dans ses bras comme sur un pavois ;
Plus loin, dans le sénat où siégea la puissance,
En face d’elle-même accusant la licence,
Calme à travers les flots d’un parti criminel,
Il subit la menace et le nom de Cromwell,
Ou, couvrant le malheur d’un glaive tutélaire,
Dispute une victime au lion populaire…
Hélas ! de ses tyrans le Français délivré,
Par la voix des flatteurs à son tour enivré,
S’égare dans le crime, et La Fayette abdique,