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Page:Moreau - Le myosotis (Nouvelle édition précédée d'une notice biographique), 1851.djvu/43

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Pour ne point la souiller, sa couronne civique.
Sacrifice inouï ! Le soldat, sans effort,
Au signal de l’honneur peut embrasser la mort,
Et l’orateur, bravant la tribune orageuse,
Élever pour le peuple une voix courageuse ;
Mais perdre son amour pour le mieux mériter,
Lorsque dans son abîme en aveugle il se jette, —
Ah ! voilà l’héroïsme et voilà La Fayette !
Comme un malade en proie au délire brûlant,
Que l’art désespéré n’aborde qu’en tremblant,
Il voit périr la France, il subit ses injures,
Il s’expose à ses coups pour guérir ses blessures,
Et devant l’ostracisme il fuit loin de nos bords,
Emportant des regrets, mais non pas des remords.
Quand des lâches suivaient la bannière ennemie,
Il accepta des fers plutôt que l’infamie.
Les despostes, dont l’or payait la trahison,
Pour cet hôte nouveau n’eurent qu’une prison ;
Mais que de fleurs alors célébraient sa louange !
Une femme, semblable à la veuve du Gange,
Importunant les rois, obtint à leurs genoux
De s’enfermer vivante au tombeau d’un époux ;
Et lui, le front paisible et l’âme résignée,
Souriait à la voix de l’Europe indignée,
Qui, plaignant son malheur, maudissait ses bourreaux,
Lui jetait des lauriers à travers ses barreaux.
Enfin, il a vu fuir les jours de la souffrance,
L’amour de l’étranger le dispute à la France ;
Comme le sol natal, le sol qu’il défendit,
Pour couronner son front, de palmes reverdit. —
Alors les nations, curieux auditoire,
Applaudissaient de loin cette scène de gloire,
Et la France captive oubliant ses revers,
Belle de ses enfants aux yeux de l’univers.

Attentive à ses pas, en vain l’hydre aux sept têtes
Mêle des sifflements au tumulte des fêtes,
Et d’une faction les organes impurs
Lui lancent chaque jour des blasphèmes obscurs,
Esclaves insolents dont la clameur frivole
Poussait encor le char qui monte au Capitole :
Des droits qu’a défendus son bras victorieux
Il gardera toujours le dépôt glorieux.
Les ans de leurs frimas n’ont pas touché son âme,