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— Tiens, voilà le contingent, dit quelqu’un, entendez-vous les tambours ?

Toutes les têtes se tournèrent vers le haut de la côte. Seul un tombereau à charbon y descendait, vide.

Cette blague, elle se répétait toutes les cinq minutes, depuis huit heures du matin. À chaque bruit ressemblant à un roulement quelconque, quelqu’un disait ;

— Les voilà !

Et ce mot faisait battre tous les cœurs pour une seconde, tant l’attente et l’incertitude sont d’insupportables souffrances. La foule, cependant, plus sensée que ces pauvres garçons qui s’étaient engagés sans trop savoir pourquoi, ne laissait pas que de ressentir une certaine inquiétude sur leur sort. C’était si loin, et les Boers tiraient si bien ! Et il y avait aussi la fièvre. Pourtant les cœurs étaient en fête ; après tout, une belle parade militaire, ça vaut la peine d’être vu, et par un beau jour chaud et clair d’automne, c’est un régal qu’une matinée passée au grand air à badauder et à flâner. Et c’étaient des chuchotements sans fin qui frissonnaient tout le long de cette double traînée humaine s’échelonnant depuis l’Esplanade jusqu’aux quais Allan ; par-ci, par-là, on percevait des petits rires d’amoureux pour qui l’événement était une aubaine, puis c’était le bruit monotone d’une conversation entre gens posés qui, ne perdant pas une minute, faisaient des affaires, en attendant. Quelquefois un éclat de rire, bête et dépaysé dans ce quasi silence, faisait boule de neige. Au bas de la côte régnait la plus grande animation : là se pressait la foule des ouvriers, des cochers, des rou-