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liers de toutes catégories, formant une masse bariolée, disparate, et par-dessus tout, de bonne humeur, malgré l’attente prolongée et fatigante à la fin.

Tout à coup, deux bicyclettes descendirent à toute vitesse. L’un des cyclistes dit en passant :

— Ils partent de l’Esplanade.

— Ils seront ici dans cinq minutes, dit l’autre.

Des applaudissements étourdissants accueillirent ces paroles, une agitation fébrile se produisit. Non pas que l’émotion vraie fut bien grande, mais, pour cet être léger qu’est la foule, pour les femmes, pour les enfants, les flâneurs, rien de plus amusant que de voir passer les uniformes alignés, d’entendre la musique militaire, et de voir le soleil se jouer sur le métal poli des beaux casques.

Maintenant le flot humain se refoulait vers le fleuve, la côte devenait presque déserte. Près des quais où était amarré le « Sardinian », la cohue était indescriptible et la fumée noire et lourde des machines mettait comme un voile sur ce fouillis de casquettes crasseuses, de vieux chapeaux haute forme, de coiffures criardes, mal assujetties sur des têtes ébouriffées.

Comme, au signal du canon, toutes les cloches de la ville se mettaient en branle, l’agacement que cette sonnerie avait produit d’heure en heure menaça de dégénérer en colère, et il y eut un moment d’impatience. Mais il fut de courte durée. Au moment où le dernier coup de midi se faisait entendre, la clameur stridente des cuivres perça l’air, et, les premiers, apparurent les casques blancs blindés d’or des artilleurs royaux. Le son mat d’un pas immense et unique se distingua bientôt, puis le