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sentit fortement poussé. Quelqu’un prit son bras. Il se retourna : un grand garçon bien mis était là qui le regardait en plein visage.

Comme il passait à côté d’une jeune fille, celle-ci lui sourit en disant à mi-voix :

— On vous presse. La « presse », lui cria un homme monté sur le toit d’un entrepôt.

— Il y a déjà dix hommes qui ont déserté, dit à voix basse, quelqu’un derrière lui, il faut les remplacer.

— Prenez garde, lui dit quelqu’un grimpé sur un poteau, c’est la « presse », on vous presse !

— Entends-tu cela, dit-il à Morot, qu’est-ce que cela veut dire tout ce monde qui me crie « La presse » ?

— Je n’entends parler que de cela depuis le matin et je me casse la tête sans parvenir à y comprendre un mot.

— Il y a certainement quelque chose d’étrange en tout ceci.

La fanfare, pendant l’embarquement, jouait des marches militaires. Soudain, le chef fit un signe et, large, rudement rythmé, le chant patriotique des Canadiens-français s’envola en accents chauds et entraînants. Tout de suite, on entendit un bruit énorme qui fit relever toutes les têtes : les vingt mille personnes assemblées sur la terrasse venaient de lancer, d’une seule voix, un hourra colossal, et le choc des mains qui applaudissaient emplit l’air d’un crépitement monstre. Il semblait que le roc du cap allait s’écrouler sous l’effort de cette masse sonore qui déchirait l’atmosphère. Et les voix d’en bas se mêlant à celles d’en haut, ce fut un concert formidable, une orgie de bruit, une