ces réflexions quand une vague un peu plus forte que les autres fit rouler le bateau. Au même moment, il entendit des voix tout près de lui, au-dessus de sa tête. C’étaient des voix de femmes ;
L’une d’elles disait :
— Je pense que nous sommes vis-à-vis Rimouski, ma chère.
— Oui, ça doit être ça, il est huit heures.
– À propos, nous avons des malades.
— Oui, et qui donc ?
— Des recrues. Il y a un pauvre jeune homme qui s’est lamenté toute la nuit. Il avait le cauchemar : c’était drôle de l’entendre…
— Vous n’avez pas de cœur.
— Si vous l’aviez entendu parler de sa robe, vous n’auriez pas pu vous empêcher de rire.
— Sa robe ?
— Oui, il parlait tout le temps de sa robe de kaki, il disait — ici la jeune miss parla français — : Il me faut une robe de kaki, il m’en faut deux mille verges, et tout de suite.
Et les demoiselles s’éclatèrent de rire.
« Bon Dieu ! se dit Pierre, me voilà rendu à Rimouski ; qu’est-ce que vont dire les passagers du « Stanley » quand ils me verront ici ?
Au même moment, une des demoiselles reprit :
— Tiens, le « Stanley » qui nous fait des signaux ; voyez-vous ?
« Miséricorde ! où suis-je, pensa Pierre ? Puisque le « Stanley » nous fait des signaux, je ne dois pas être à bord du « Stanley » ?
Il se fit du mouvement dans le coin de la pièce ; une voix enrouée grogna :