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baissant, prit un autre Martini-Henry et l’épaula vers Bilman. Voyant que les armes à feu ne servaient plus à rien, il avait évidemment profité de la lutte des autres combattants pour les recharger. Pierre le remercia du regard. Horner venait de se jeter à bas du kopje en blasphémant et, comme la carabine du Zoulou menaçait Bilman, Dolbret, stupéfié, entendit ce dernier lui crier en français :

— Ne frappe pas, Pierre Dolbret, je suis un Canadien-français comme toi !

Soit générosité, soit dégoût, Pierre le laissa aller. Du reste, la partie était gagnée, il ne fallait pas tuer inutilement.

Stenson se plaignait. Comme Dolbret se retournait vers lui avec des paroles d’encouragement, de vagues consolations dont, hélas ! il sentait bien le vide lui-même, il eut un mouvement en arrière : Un galop se faisait entendre dans la direction d’Halscopje ; petit à petit il grandit, se rapprocha, devint formidable, et, aux pâles lueurs du petit jour, par les déchirures que la tempête agonisante faisait à la grisaille de l’horizon, une cavalcade lancée à fond de train se dessina.

— Le ciel est contre nous, dit Dolbret, voici les éclaireurs de Thompson ; je reconnais leurs grands chapeaux aux rebords rabattus sur les oreilles. Que faire ? Et John qui ne peut marcher !

– Laissez-moi ici, dit Stenson, d’une voix à peine intelligible.

— Jamais, reprit Pierre. Jamais.

— Que faire alors ? demanda Wigelius.

Dolbret, le front dans les mains, réfléchissait, mais rien ne lui venait à la pensée ; son imagination demeurait sans ressources devant le problème.