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— Es-tu prêt, fit Dolbret ?

— Oui, je vais jeter la chaloupe à la mer.

— Mais non, attends ; je vais d’abord attacher l’autre extrémité de la corde au hauban.

En un instant la manœuvre fut exécutée et ils prirent tous deux l’embarcation pour la couler à la mer. À ce moment, ils hésitèrent un peu ; Dolbret se retourna pour constater si personne n’était à portée de les voir. Il faillit tomber à la renverse : à dix pieds de lui, l’homme de quart se promenait et regardait fixement dans sa direction ; il semblait tendre l’oreille. Dolbret toucha le bras de son compagnon pour lui faire comprendre qu’il fallait rester coi. P’tit-homme retînt son haleine et ils restèrent quelques secondes immobiles, courbés dans la chaloupe. Bientôt cependant, Dolbret fut maître de lui-même. En réfléchissant, il s’aperçut vite que s’il voyait l’homme de quart, c’est parce que celui-ci était en plein dans la lumière des fanaux réglementaires, tandis que lui ne pouvait être vu, tant la brume enveloppait le bateau. En un mot, grâce à cette bienheureuse brume, l’homme de quart, malgré la défiance que certains bruits pouvaient avoir fait naître dans son esprit, se trouvait totalement paralysé ; on aurait dit que Dolbret lui bouchait les yeux au moyen d’une lanterne sourde.

— Il ne nous voit pas, dit Dolbret à voix basse, allons vite et sans hésiter. Voici ce qu’il faut faire ; mets l’embarcation à l’eau et descends-y pendant que je la retiendrai, puis moi je me laisserai aller le long de l’amarre, que nous couperons ensuite…

— Avec mon couteau à ressort.