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soucient pas, nous en sommes sûrs, de connaître les angoisses par lesquelles les deux fugitifs avaient passé, une fois le « Sardinian » disparu à l’horizon. Ce serait leur causer d’inutiles alarmes que de raconter leurs transes, leurs trois jours et leurs trois nuits de souffrances, de désespoir, de détresse au milieu de l’océan, les horreurs de la faim, de la soif, la lutte surhumaine de Dolbret pour empêcher son compagnon en délire de lui asséner un coup de rame sur la tête, puis le calme revenu, les signaux faits pendant des heures entières avec des lambeaux de vêtements ; enfin, après toutes ces péripéties, le « City of Lisbon » venant à leur secours, leur réception à bord, l’empressement des passagers à leur donner des vêtements et à leur prodiguer toutes les douceurs imaginables.

Du reste Dolbret avait déjà presque tout oublié, tellement la vie à bord était agréable. Comme nous venons de le voir, son séjour sur le « City of Lisbon » promettait aussi d’être lucratif, et il ne manqua plus rien à son bonheur quand il apprit que le chef de cuisine avait, sur la recommandation du capitaine, pris le soldat Labbé comme aide. Ce dernier, enchanté de ses nouvelles fonctions, n’avait pas mis de temps à renouveler les prouesses qu’il avait faites comme cuisinier, au temps où il naviguait sur la rivière « Plate ». Et les jours se passaient gaîment : le bonheur efface tant de douleurs et fait disparaître si vite la trace des souffrances ! Dolbret musait toute la journée et se faisait du bon sang en prenant part à tous les exercices du corps auxquels on peut se livrer à bord d’un paquebot, ou bien il passait de longues ma-