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leront tous les produits depuis Caleufu jusqu’à la vallée 16 de Octubre au sud ; par contre, le jour où ce chemin de fer existera et se prolongera de Junin de los Andes à Villarica, le courant commercial changera. Le miel et la cire de Llanquihué ainsi que les passagers pour l’Europe du Chili austral, à partir de Concepcion, s’embarqueront au port de San Antonio. Tout en pensant à cet avenir de progrès déjà en voie de réalisation, je traversai les beaux parcs naturels qui entourent le lac au sud et dont la partie supérieure a été dévorée par un vorace incendie qui a détruit pour des milliers de piastres de bois de construction ; bientôt j’atteignis la rivière par laquelle le lac Gutierrez apporte le tribut de ses eaux au Nahuel-Huapi. C’est là que me rencontrèrent et s’emparèrent de ma personne les indiens envoyés par Shaihueque, en janvier 1880, au moment de la découverte du beau lac auquel j’imposai le nom du maître et ami vénéré, l’inoubliable Juan Maria Gutierrez. Cette tribu indienne avec son chef Chuaiman a totalement disparu, et en ce lieu agreste s’élève l’habitation du colon allemand Christian Bach (planche XV). Sa femme me dit que son mari est avec Schiörbeck, qu’ils se sont avancés vers l’ouest et ont laissé un aide pour leur transmettre mes instructions définitives ; je les leur envoie sur-le-champ. Je distribue aussi quelques jouets aux enfants, en souvenir des miens, et ne voulant pas perdre un moment, je retourne, satisfait, au campement Bernichan pour aller plus au sud.

Comme le paysage général ne s’est pas modifié depuis 1880, et que je n’ai pas le temps de faire une nouvelle description, je ne crois pas hors de place les réminiscences de mon voyage antérieur que je prends dans mon ouvrage inédit où il est décrit :

« Je passai la nuit du 17 au 18 janvier 1880 dans la gorge en face du Cerro Tupuan ; au matin je traversai la dernière ramification supérieure du Chubut, arrivant peu après au Rio Pia ou de la Hechicera. Je croyais trouver là Guilto, indien de Valdivia, interprète et secrétaire oral de Foyel ; mais son pauvre rancho ne renfermait plus d’autres êtres qu’un chien et l’unique chat apprivoisé que j’aie vu chez les indiens. Je fis l’ascension d’une plaine élevée, dominée par les plateaux et les montagnes, et de cette éminence, nous aperçûmes au loin, au milieu des brumes grisâtres et rosacées qui cachaient une partie des montagnes, les eaux bleues du lac désiré.

Dès les premiers temps de la conquête, les régions du sud attirèrent l’attention des espagnols. Mille rumeurs de promesses séduisantes plaçaient là les fameux Césars, création dorée de