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Page:Moreno - Reconnaissance de la région andine, 1897.djvu/60

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parage serait excellent pour y construire un pont. À midi, j’arrivais au campement Schiörbeck dirigé par M. Bernichan et situé au pied du ravin où, en 1880, j’établis mon campement dans la hutte abandonnée de l’indien valdivien Guaito. Les poules caquetaient et l’on entendait le beuglement des vaches ; cette hutte avait été remplacée par de commodes maisons en bois, habitation du colon don José Tauscheck (planche XV, fig. 2), dont les cultures et les produits de l’élevage jouissent déjà d’une légitime renommée parmi les colons allemands de Llanquihué. Mais Tauscheck, de même que les autres hommes industrieux qui ont colonisé les rives du Nahuel-Huapi, n’est pas propriétaire du terrain qu’il a fait valoir par ses efforts : il fait partie d’une de ces incroyables concessions de trente-deux lieues et notre colon est exposé à être délogé sans avoir droit à aucune indemnisation de la part du propriétaire de la concession. Heureusement que tous les rivages du Nahuel-Huapi n’ont pas été dilapidés de cette façon, et qu’il est encore possible d’y établir la colonie que j’entrevois et dans laquelle le colon acquerra par le travail de ses mains la propriété de son lot.

D’après mes instructions, Schiörbeck opérait déjà sur le lac Gutierrez, et je m’en allai à sa recherche. Je revis ainsi le vénérable du lac, le cyprès centenaire que j’avais remarqué en 1880, près de la rivière Niereco sur le versant de la moraine, dominant la localité de San Carlos récemment fondée par les frères Wiederholtz, de Puerto Montt, fils d’allemands et membres de cette race énergique et laborieuse en formation au sud du Chili et que nous devrions tâcher de former en Patagonie.

La maison de commerce de MM. Wiederholtz pourvoit déjà aux besoins d’une vaste zone et exporte ses produits à Puerto Montt, disposant d’embarcations pour ce trafic. J’en vis là une de douze tonneaux que construisaient des charpentiers originaires de Chiloé ; ce sera la première embarcation de quelque importance qui sillonne les lacs patagoniques. Le commerce de laines, peaux, crins, pommes de terre, fromage, beurre et autres produits moins importants, permet d’expédier une embarcation tous les quinze jours à Puerto Blest, à l’extrémité occidentale du lac, d’où ces produits sont transportés en trois jours à Puerto Montt, tandis que pour les mener à Viedma, il faudrait plus d’un mois. Tant que l’on n’aura pas construit un chemin de fer entre le port San Antonio et Junin de los Andes avec un embranchement jusqu’au grand lac, c’est vers le Pacifique par Puerto Montt, via Nahuel-Huapi, que s’écou-