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l’érosion. Dans les falaises des rivières, on note la présence de sables et d’argiles lacustres, probablement miocènes.

On observe des stries glaciaires sur le basalte, et j’ai compté dix échelonnements ou terre-pleins, indices correspondants de niveaux du lac aujourd’hui disparu. J’ai cherché en vain le lac Henno signalé sur la carte d’Ezcurra ; les topographes du Musée ne l’ont pas rencontré non plus.

J’établis le campement du 23 dans un bosquet de la moraine voisine, près d’une source qui fournit de l’eau aux deux océans et où les moustiques firent passer de mauvais moments à gens et bêtes.

La pluie de la nuit augmenta les difficultés de la marche le jour suivant, inondant les tucu-tucales où, à chaque instant, s’enfonçaient les mules. Un dépôt glaciaire avec de grands blocs erratiques divise les eaux du Cherque de celles qui descendent au rio Frias, dominé par la roche néovolcanique qui couvre les cimes du plateau oriental (1176 m.).

Le 24, nous campons aux bords de la rivière Omckel, dans la station indigène de Shaama (distincte de celle de Shamen), dans une belle vallée transversale dont les moraines latérales renferment une grande quantité de blocs erratiques d’andésite qui proviennent incontestablement des montagnes du sud-ouest ; la vallée se prolonge plus de vingt kilomètres à l’orient, toujours herbeuse, bien arrosée et abondante en bois. Après avoir dépassé le plateau dénudé du sud, le jour suivant nous traversons une autre vallée herbeuse et exploitable malgré l’ouverture transversale qui reçoit les vents froids de la Cordillère par la gorge rectiligne du rio Frias. Dans la gorge qui descend du sud du massif cité, et qui distribue des eaux à l’Appeleg, on pourrait établir une colonie abritée qui exploiterait les vallées pittoresques et fertiles du massif dont la limite orientale est le Mont Payahuehuen.

Nous passons la nuit du 25 dans la montagne, au pied du col qui sépare les eaux du nord et du sud, de 1700 mètres d’altitude, formé par les schistes et les quartzites, parage extrêmement pittoresque où abondent les huemules.

Dans cette gorge, les couches de grès ont une allure presque horizontale, un peu relevées au sud, couvertes de laves qui ont métamorphisé les couches voisines. Nous disputons, cet aprés-midi, un beau huemul, le plus grand du voyage, à un puma et aux condors hardis qui, par douzaines, attaquèrent l’animal blessé, quelques moments avant que nous ne nous en emparions sur la moraine inégale et accidentée.