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de leur donner. C’est l’année dernière seulement qu’on a songé à les créer, et la précipitation qu’on a été contraint de mettre à les organiser n’était point pour leur faire produire les excellents fruits qu’elles produiront plus tard, si nos espérances se réalisent.

D’un autre côté, l’idée de leur création a été, aussitôt lancée, en butte à des attaques méchantes, aussi tenaces qu’était grande la générosité des organisateurs. On a essayé de soulever contre nos colonies l’opinion publique, notre pire ennemie quand elle n’est pas notre esclave ; il a fallu vraiment qu’un miracle intervînt pour les empêcher de sombrer. J’ai craint un moment que notre idée philanthropique ne fût étouffée dans l’œuf.

En causant ainsi, les deux interlocuteurs s’étaient rapprochés du Casino. Un soleil brillant avait chassé les dernières vapeurs du brouillard de la nuit, et séchait sur les feuilles tremblantes les perles qu’y avait attachées la rosée à l’aurore. Dans le parc, tout au fond de l’avenue, l’écarlate d’une ombrelle piquait sa note gaie dans la sombre verdure des maronniers ; et deux bambins, vêtus de jerseys à col marin, embarquaient dans une nacelle de l’étang, poussant de joyeux cris, se disputant les avirons. Au-dessus de leur tête, la fenêtre grande ouverte d’un salon attenant au Kursaal, laissait la libre volée à une hymne de réveil que plaquait en grands accords sur le piano une amie de Raymonde. Et les pinsons, sollicités par la mélodie, y répondaient dans les branches par des trilles joyeux.

Raymonde, que la vivifiante atmosphère de cette belle matinée envahissait peu à peu, était restée debout, la main appuyée au dossier d’une chaise