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que m’a inspiré le contact journalier de Mlle Raymonde Dubreuil : vous savez comment je l’aime, et combien me rendrait heureux la réalisation du projet que je caresse depuis si longtemps de la demander en mariage à son père. Longtemps la maladie m’en a empêché, réduisant mon espoir à l’état d’une illusion chimérique, d’une hallucination de cerveau enfiévré. Puis, la santé revenue grâce à vos soins dévoués, un autre obstacle a surgi, plus terrible à affronter, l’incertitude où j’étais des sentiments de Mlle Dubreuil, l’impossibilité de les connaître à laquelle j’étais réduit par la réserve qui m’était imposée.

L’obstacle a disparu. Vous le dirai-je ? un seul regard de Raymonde, au cours de cette promenade de l’après-dînée, a suffi à me persuader. De son côté, Raymonde m’aime ; je le sens, je le sais !…

— Voilà bien les amoureux, dit le docteur en interrompant l’enthousiasme de son jeune ami. Un seul regard les persuade : ils le sentent, ils le savent. Mais réfléchissez donc, mon cher Fernand, que Mlle Dubreuil n’a jamais pu jusqu’ici penser à vous autrement que pour vous plaindre, que vous ne pouvez lui avoir inspiré d’autre sentiment sérieux qu’un sentiment de bienveillante compassion. Vous souffriez. Elle est bonne et vous plaignait.

D’ici à l’amour, c’est l’abîme qui va de la coupe aux lèvres.

Cependant je vous accorde que votre guérison, ayant causé à votre amie un sentiment de joie sincère, votre conversation de ce soir lui ait plu, que votre démarche de joli cavalier lui ait agréé, qu’elle ait enfin senti naître en son cœur un secret penchant pour vous. Quel serait alors votre dessein ?

— Écoutez-moi, cher docteur. C’est demain que