Page:Moressée - Un mariage à Mondorf, 1887.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 35 —

nant sa place à côté de Raymonde, répondant d’un léger haussement d’épaules qui voulait dire : « C’est dommage, mais qu’y faire ! » au regard consterné de ses filles, il salua pourtant avec politesse le compagnon de voyage dont le hasard les gratifiait si malencontreusement.

Du dehors, perché sur le marche-pied et se retenant des mains à la portière, le domestique saluait aussi :

— À tout à l’heure, Monsieur Fernand ! Je viendrai à tous les arrêts du train m’informer de ce que vous pourriez désirer…

Le jeune homme répondit d’une voix à demi éteinte :

— Bien, Jacques, merci !

Puis il tira sur ses genoux le pan d’une couverture et, appuyant la tête sur les coussins du dossier, il se mit à sommeiller.

Le train repartait lentement. L’aspect pitoyable de celui que le domestique avait appelé Monsieur Fernand avait répandu dans le coupé un air de contrainte étrange, et quand M. Dubreuil eut tranché les fils qui retenaient bouchée sa demi bouteille carte d’or, il n’osa même point en faire sauter le bouchon, le retenant de la main comme pour l’empêcher de troubler, du bruit de son évacuation violente, le silence triste qui venait d’entrer avec ce malade.

Car, visiblement, le jeune homme était malade. Le visage, sympathique dans son encadrement de cheveux noirs bouclés, était d’une pâleur terreuse ; les yeux tirés et cerclés d’une large bande de bistre, les mains maigres et exsangues, les ongles longs et transparents dénonçaient le poitrinaire.