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résister aux continuelles angoisses dont elle était assiégée. Elle était morte avant d’avoir revu son mari, en confiant son enfant aux soins vigilants de la fille du vieux régisseur.

Cet épouvantable malheur avait atterré Pierre Dubreuil. Pendant plusieurs semaines, terrassé par une fièvre aiguë, il était resté entre la vie et la mort ; mais enfin sa robuste nature avait repris le dessus et il avait recommencé son existence d’autrefois, comprenant où était son devoir. Travailleur infatigable, il étudia durant six années les besoins et les souffrances de la petite culture, en chercha le remède et, assez riche pour dépenser sans compter, se mit à l’appliquer généreusement. Il se fit d’abord le banquier de ces pauvres gens, en instituant dans la commune où il venait d’être nommé maire, une caisse de dépôts et de prêts d’un mécanisme fort ingénieux, qui rendit de grands services et qui eut un plein succès. Il parcourut alors l’arrondissement, se prodiguant avec un rare dévoûment, prêchant les petits cultivateurs, donnant des conférences, faisant partout de la propagande.

À cheval dès l’aube, il parcourait ses propriétés en compagnie du fils de son ancien régisseur, un gars robuste et intelligent, qu’il avait formé lui-même et auquel il destinait la charge que la vieillesse et les fatigues avaient contraint le père à abandonner. Il inspectait les travaux, donnait des conseils, rectifiant les fautes commises, exigeant que l’on se conformât à la méthode rationnelle de culture qu’il avait inaugurée. Puis il partait pour l’une ou l’autre commune éloignée, rendant visite aux grands propriétaires, les convertissant à ses idées généreuses, prêchant sans trêve sa croisade dont la devise était : « Il faut s’entr’aider ».