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tité produite. Jevons a attaché une importance fondamentale à cette théorie parce qu’elle lui a permis — en partant de ce fait que l’individu suspend évidemment son travail au point où le degré d’utilité du dernier élément produit devient égal au degré de désutilité (disutility) de l’effort de production — de montrer que les articles qui s’échangent, d’après ce que nous avons vu, en quantités inversement proportionnelles à leur utilité finale, s’échangent par là même en quantités inversement proportionnelles à leur coût de production. Or, tout en combattant les idées de ceux qui voyaient dans le coût de production la cause de la valeur, il éprouvait le besoin de trouver la confirmation de ses théories dans la concordance des conclusions auxquelles elles conduisaient avec le principe de proportionnalité de la valeur au coût de production, qui avait généralement cours en Angleterre à son époque[1]. Mais pour ingénieuse que soit cette théorie, elle n’en perd pas moins la plus grande partie de son intérêt dès que l’on abandonne le point de vue particulier auquel s’est placé son auteur, parce qu’elle ne présente qu’une face, la moins importante, de l’équilibre de la production. Dans l’état actuel de la division du travail en effet, l’homme se préoccupe bien moins du rendement de ses efforts que de la valeur d’échange de sa peine, de telle sorte que « le rapport

  1. Il y a dans la Théorie une manifestation absolument typique de cet état d’esprit : c’est la formule lapidaire suivante, critiquée, à juste titre, par MM. A. Marshall (loc. cit.) et Irving Fisher (Mathematical Investigations… [p. 136], part. I, ch. v, § 1), dans laquelle Jevons n’a pas craint d’établir un enchaînement entre une série de faits qui se suivent chronologiquement il est vrai, mais ne présentent pas de rapports de causalité :

    « Cost of production détermines supply,
    « Supply détermines final degree of utility
    « Final degree of utility détermines value »,
    (Theory, ch. iv, in fine.)