Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/23

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façon lumineuse en faisant appel à la langue mathématique. Aussi, les partisans de l’usage de cette langue ont-ils donné de nombreux exemples, dont quelques-uns sont devenus classiques, de théories verbeuses qui sont susceptibles d’acquérir une grande netteté en revêtant une expression mathématique appropriée : l’un des plus typiques est fourni par la théorie du commerce extérieur de John Stuart Mill[1], qui présente cette particularité d’avoir eu lui-même l’intuition de l’opportunité d’un langage symbolique puisqu’il a fini par recourir à une sorte d’algèbre, à l’état embryonnaire il est vrai. Tous ces exemples ne se présentent d’ailleurs que comme des manifestations variées de l’élégante simplicité qu’apporte dans les démonstrations la seule notion de fonction, en permettant de se débarrasser des données numériques qui encombrent les œuvres de tous ceux, tels que Ricardo et les économistes de l’École autrichienne, qui ont voulu se soustraire aux représentations analytiques que comportaient leurs travaux. Mais comme on peut toujours prétendre — bien que ce ne soit pas tout de dire les choses et qu’il faille encore les bien dire — que le seul fait d’améliorer l’exposé d’une théorie ne fournit en définitive aucune contribution à l’élaboration de la science[2], nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet, pour aborder immédiatement la question de l’utilité de l’emploi des mathématiques à un point de vue plus positif tout en ne nous occupant cependant que d’avantages connexes à la clarté d’expression dont nous venons de parler : la rigueur et la puissance d’investigation. En économie politique, en effet, de même que dans la nature, la lu-

  1. Cf. F.-Y. Edgeworth, Discours [p. 120], notes b et c.
  2. Voir dans ce sens l’article bibliographique de A. Wagner, relatif aux Principles of economics de A. Marshall, dans le Quarterly journal of economics, numéro d’avril 1891.