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Page:Moreux - La foudre, les orages, la grêle.djvu/12

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losophes grecs les plus anciens tentèrent de modifier cette notion : le tonnerre et les éclairs provenaient des Cyclopes occupés dans les cavernes de Lemnos, à forger les foudres de Jupiter, qui seul parmi les divinités de l’Olympe avait le don et la puissance de les utiliser.

Chez les Romains, le tonnerre est aussi une manifestation spéciale et caractéristique de la divinité.

C’est ainsi que Virgile dépeint Jupiter ratifiant par le bruit du tonnerre le pacte des nations troyenne et latine ; de même Prométhée aurait découvert et révélé aux hommes le moyen de faire descendre le feu du ciel : mais dans ce dernier cas, il est infiniment probable, non pas que Prométhée utilisa la foudre, mais enseigna aux hommes une des méthodes encore employée aujourd’hui par les peuples sauvages pour se procurer du feu.

On attribue aussi à Salmonée, roi d’Élide, la connaissance d’une méthode peur « soutirer aux nuages la matière électrique et l’amasser au point de déterminer d’effrayantes explosions ». Et on cite à ce propos, qu’en Élide, près du grand autel du temple d’Olympie, existait un autel entouré d’une balustrade et consacré à Jupiter Catabatès (qui descend). En réalité, cette fable ne repose sur aucun fondement ; il est possible que Salmonée par un moyen quelconque, ait voulu imiter le bruit du tonnerre et qu’il ait péri au cours de ses essais, mais c’est tout ce que l’on peut raisonnablement supposer.

On attribue encore à Zoroastre, fondateur de la religion des Mages, l’art de conjurer la foudre et l’on signale diverses traditions à ce sujet : Le démon serait apparu à Zoroastre au milieu du feu et aurait imprimé sur son corps une marque lumineuse ; quand il quitta la montagne où il avait longtemps vécu dans la solitude, il parut tout brillant d’une flamme inextinguible qu’il avait fait descendre du ciel. Il serait mort en se frappant lui-même de la foudre qu’il pouvait diriger à son gré.

Dans cet ordre d’idées les traditions ne manquent pas. Malheureusement, aucune d’elles ne repose sur un fait historique précis.

N’a-t-on pas raconté que Numa Pompolonèse, second roi de Rome, chercha à rendre la foudre moins malfaisante ?.

Guidé par la nymphe Égérie, il fait enivrer Faunus et Martius Picus, dieux des forêts ou prêtres des divinités étrusques, les garrotte solidement et ne leur laisse entrevoir la liberté que s’ils lui apprennent la manière d’apaiser la foudre.

« Nous sommes des dieux champêtres, lui répond Faunus, et nous habitons le sommet des montagnes. Nous pouvons disposer des foudres de Jupiter. Tu ne saurais maintenant les obtenir toi-même du ciel, mais peut-être pourrais-tu y réussir avec notre secours. »

Finalement, le secret fut livré et au jour fixé, à l’aurore, Numa entouré de tout son peuple, la tête voilée de blanc, élève ses mains au ciel et demande que la promesse des dieux soit remplie.

« Pendant qu’il parle, le disque entier du Soleil s’est montré ; un bruit éclatant retentit au plus haut des airs. Dans un ciel sans nuages, Jupiter a tonné trois fois et trois éclairs ont resplendi. » À ce moment, le ciel s’entr’ouvre et le bouclier sacré tombe aux pieds du roi de Rome.

Tel est le récit d’Ovide. Numa put répéter plusieurs fois cette cérémonie, mais son successeur Tullus Hostilius qui avait appris le secret dans les livres de Numa fut foudroyé.

Il faut bien se garder de prendre ces narrations poétiques au pied de la lettre. Numa était un prince très religieux qui honorait fréquemment Jupiter, le maître de la foudre ; son successeur, au contraire, fut moins pieux et l’on attribua à une vengeance du ciel sa fin malheureuse ; son palais fut incendié, et dans les décombres fumants on retrouva carbonisé le corps de Tullus.

Cette idée de la manifestation de la colère divine par la foudre se retrouve chez presque tous les peuples anciens : c’est elle qui plus tard fera fuir les habitants du Nouveau Monde devant les mous-