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français y firent leur première communion, et peu après un soldat du régiment des Mourons nommé Rodger s’y maria avec une Lagimodière.

La plaie des mariages mixtes semble avoir été le mal contre lequel les missionnaires durent d’abord lutter. Étant donné l’ignorance de leurs nouvelles ouailles et par ailleurs lea rangs tout à fait restreints de la société d’alors, leurs efforts pour empêcher ces unions ne furent pas toujours couronnés de succès. Les soldats allemands étaient catholiques pour la plupart ; mais leurs préjugés nationaux les empêchant de se marier dans les rangs des métis, qui du reste n’étaient que suffisants pour leurs propres besoins, il arrivait parfois qu’ils se cherchaient des conjoints parmi les Écossais protestants de la colonie ou les Suisses non catholiques qui arrivèrent peu de temps après.

Le Rév. M. West, premier prédicant de la Rivière-Rouge, qui y arriva le 14 octobre 1820[1], a laissé de ses trois ans de séjour dans l’Assiniboia un journal qui touche plusieurs fois à ce sujet épineux, et où le pieux ministre se montre fort scandalisé du refus des missionnaires catholiques de sanctionner pareilles unions. Il cite même le cas d’un Canadien qu’il maria à une Suisse protestante. Mais on a tout lieu de croire que pareilles défaillances disparurent au fur et à mesure que l’instruction religieuse des colons se fut perfectionnée.

Le ministre protestant eut même à enregistrer la conversion au catholicisme d’une femme qu’il avait baptisée et mariée. Il s’en consola quelque peu en écrivant que la profession de foi catholique qu’elle fit était purement nominale. Et pourtant il paraît au fond si mortifié qu’il ne peut s’empêcher de remarquer dans son journal : « Ces circonstances prouvent que le papisme tel qu’il existe aujourd’hui, du moins dans cette partie du monde, n’est pas différent de ce qu’il était du temps de la réforme[2]. » D’aucuns seront tentés d’ajouter qu’il ne changera pas jusqu’à la consommation des siècles.

Les missionnaires eurent à lutter contre le prosélytisme de ce Monsieur, qui n’était rien moins que ritualiste et convertissait le monde à coups de bibles qu’il distribuait à droite et à gauche. Il jugeait ce procédé infiniment supérieur à celui des prêtres catho-

  1. Non pas en 1821, comme le dit le Dr Bryce, dans son Manitoba.
  2. The Substance of a Journal during a Residence at the Red River Colony, p. 70. Londres, 1824