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d’écrire une histoire complète des troubles, avec tous les faits par ordre chronologique, dates précises et références, etc. D’aucuns seront peut-être aussi portés à regretter que le ton n’en soit pas plus de nature à convaincre un adversaire, qui ne manquera pas de se raidir, à tort, sans doute, contre le caractère réquisitorial qu’il lui trouvera.

Est-ce à dire que je veuille moi-même entrer en lice avec mes devanciers et donner ma version de l’insurrection de 1869-70 ? Loin de moi pareille présomption. J’userai seulement de mon privilège de simple tirailleur dans le champ de l’histoire pour donner une esquisse, brève et très imparfaite, de quelques-uns des événements de cette époque si importante dans les annales de l’ouest canadien.



Sans attendre l’issue des négociations entre le gouvernement impérial et les autorités de la Compagnie de la Baie d’Hudson, le Canada traitait déjà la Rivière-Rouge en pays conquis. Il profita de la famine de 1868 pour s’y introduire, faisant faire un chemin public du lac des Bois à la pointe aux Chênes, dans le but apparent de venir en aide aux affamés en leur procurant un moyen honorable d’acquérir le nécessaire pour leurs familles en détresse, but qu’on eût plus sûrement atteint si on avait rendu leur travail un tant soit peu rémunératif et vendu les denrées à un prix raisonnable. Le gouverneur local de la Compagnie protesta, d’une manière d’ailleurs assez platonique, contre cette intrusion d’une puissance étrangère dans son territoire ; mais personne ne prit garde à cette objection, destinée du reste à sauvegarder un principe plutôt qu’à faire cesser ou même gêner les travaux commencés.

Ces travaux amenèrent au pays un certain nombre de Canadiens anglais, pour la plupart violemment opposés à l’état de choses existant dans la colonie, lesquels, s’adjoignant aux quelques esprits remuants qui s’y étaient rendus peu auparavant, formèrent bientôt ce qu’on appela le parti canadien, groupe qui se désignait lui-même sous le nom d’Amis du Canada.

Or, comme l’assure l’historien Begg, « il était avéré que, les chefs de ce parti étranger déclaraient ouvertement que les métis allaient être obligés de céder la place aux Canadiens anglais »[1].

  1. The Creation of Manitoba, p. 21.