Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/120

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allait naître et contre les fausses splendeurs du siècle qui allait mourir. Elle proteste contre cette prétention de scinder l’être humain et de ne lui donner que les vérités de l’âme, — et contre cette autre prétention d’accepter cette scission monstrueuse et de n’y retenir que les vérités des sens. — Quoiqu’on ait quelque pudeur à parler littérature à propos d’un tel homme, on peut dire que Pascal, principalement préoccupé de pensées — et des plus ardentes pensées, de celles qui sont la fumée des Mystères, — mais possédé par toute l’agitation de vivre, ouvert aux passions, aux sentiments humains et muni aussi de cet esprit scientifique qui sait l’influence des causes matérielles, physiques, sur l’action de l’âme, — Pascal est un poète de l’heure qui sonne aujourd’hui, de la période synthétique. Pascal est notre contemporain au titre de Balzac et d’Edgar Poe, avec qui d’ailleurs il a tant d’analogies. C’est un précurseur, un phare toujours brillant dans le passé. En lui et par lui, par l’éclatement de cette grande âme dans le duel, dont elle était le champ-clos, de l’esprit ancien et de l’esprit nouveau, le complet Idéal Moderne a été formulé et une première fois réalisé. Par l’intensité de sa pensée, par le mouvement et la couleur de son style, par le ton et je puis dire le sang de son génie, Pascal est du XIXe siècle[1].

  1. Je pense inutile d’insister sur la langue littéraire du XVIIe siècle,