Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas, c’est qu’il ouvre ses yeux, il les ouvre tout grands et tout larges, naïvement, comme un enfant qui s’éveille, ou comme ce premier homme idéal dont Buffon nous montre les sens qui s’émeuvent successivement. Il regarde, s’étonne, s’enchante et l’apparence des choses lui suffit ; il ne cherchera pas sous l’apparence la réalité cachée. C’est la vie qui l’intéresse, la vie mouvante et sa couleur changeante, ce qui bouge et passe.

Voyez de quels poètes il se recommande, dans le passé, que tout de suite il acclame, dans le présent.

Le XVIIIe siècle a été un long moment de mort. Mais dans la mort la vie germe. Tout autour de cette France sensuelle qui s’endormait en souriant dans ses hontes fastueuses, sans respect du passé, sans souci de l’avenir, cet avenir pourtant se préparait, suivant les grandes traditions de ce passé. Disciple de Kepler, Newton venait de formuler la loi de l’attraction ; Kant était né ; les sages de l’Allemagne allaient exprimer les idées philosophiques qui devaient féconder notre siècle. — Quelquefois la Vie agit et retourne à ses sources par les ministres même de la mort et de la division. C’est Voltaire qui révèle Newton aux Français, servant ainsi cet esprit scientifique à qui, sachant trop mal et trop peu, il fit dire Non, mais qui devait, libre plus tard, s’engager dans la belle voie qui mène aux affirmations lumineuses. Entre les