Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/122

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son heure et se date de l’avenir. De tel Poëte telle œuvre est romantique, telle autre est synthétique : ainsi de Gœthe, le Werther et le Faust, ainsi de Vigny le Chatterton et les Destinées. Victor Hugo lui-même, qui pourtant prit en main le drapeau de la nouvelle école, est l’incohérent et vaste répertoire de toutes les Formules et de toutes les opinions.

À quels signes, donc, reconnaître ce qui appartient en propre au Romantisme et ce qu’il partage avec les écoles anciennes ou futures ?

Une question plus particulière indique la solution du problème : qu’est-ce qui parut nouveau à la génération de 1820 ? — Ce n’est pas le fond des passions : c’est leur gesticulation extérieure, leur manifestation active. Ce n’est pas l’idée profonde et métaphysique de Dieu : c’est son aspect extérieur, la nature. L’immédiat visible et sensible ou, plus philosophiquement peut-être, l’action de la nature sur l’homme par le sentiment, la réaction de l’homme sur la nature par l’expression : voilà le Romantisme. Il ne sait pas se taire et se recueillir, se tenir immobile pour mieux penser : il ne pense pas, il sent et parle, même il crie. Une habitude très humaine est de fermer les yeux quand l’esprit est occupé, pour protéger son indépendance, pour lui épargner la distraction des ambiances, pour détourner le regard de l’extérieur à l’intérieur : la preuve que le Romantisme ne pense