Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/125

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ils passèrent inaperçus au regard de ses imitateurs.

Veut-on s’en persuader ? Qu’on observe l’influence shakespearienne dans les drames d’Hugo, et qu’on lise le livre qu’il a consacré à William Shakespeare : questions de formalités de forme, lieux communs d’idées et de passions générales, considérations historiques et prétextes à déclamations contre les vieilles règles. Puis, qu’on interroge Gœthe :

« Tous les pressentiments sur l’homme et sur la destinée qui me tourmentaient depuis mon enfance d’une vague inquiétude, je les vois dans Shakespeare expliqués et remplis ; il éclaircit pour nous tous les mystères, sans qu’on puisse indiquer où se trouve le mot de l’énigme. »

Gœthe, habitué au mouvement du drame allemand, ne se laisse pas distraire par cet aspect du drame anglais. Il va au fond : ce qu’il demande à un poëte c’est la nature des idées qui l’occupent et, s’il aime Shakespeare, c’est que l’auteur d’Hamlet souffre du même sublime mal qui tourmente l’auteur de Faust, c’est qu’ils ont tous deux la passion des causes et que leurs symboles sont beaux surtout d’être les vêtements de la Vérité. Mais Gœthe, chez qui le Poëte se parachevait d’une conscience de critique, tout respectueux qu’il soit de la grandeur de Shakespeare, sait où finit cette grandeur : Shakespeare éclaircit tous les mystères, sans livrer le mot de l’énigme. En d’autres termes : il