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I


DE LA VÉRITÉ ET DE LA BEAUTÉ


I


La cohue démocratique n’est pas la Foule. Ignorante et naïve, la Foule commet et soumet joyeusement ses forces innombrables à des chefs acclamés et c’est elle, au service d’idées qu’elle adore sans les comprendre, qui fit les grands mouvements de l’histoire. C’est elle encore, obscure, qui donne ce qu’elle n’a pas, la Gloire. Et c’est encore elle, vraie comme l’enfance, docile à la Fiction comme la forêt au vent, qui vibre aux émotions profondes des poëtes, qui écoute, accrédite, dore des sincérités de ses admirations et perpétue les belles légendes, — la Foule, cliente de Shakespeare. — La vanité creuse et bruyante de ses individus caractérise la cohue. Ils ne savent rien, certes, ni chacun, ni tous, mais ils prétendent, opinent, contestent, jugent, ils ont lu les journaux, et l’irréconciliable haine de l’Extraordinaire leur prête parfois une façon de logique. Ils se targuent d’athéisme (au fond, ils en veulent à l’idée de