Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/151

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faut qu’on cesse de croire qu’il ait tout réalisé. Il faut qu’on lui rende sa juste place d’artiste merveilleux et de poëte secondaire).

Les contemporains en l’adorant furent peut-être plus habiles encore que modestes. Ils lui ont comme confié ce titre saint, le titre de Poëte, pour lui rendre, dans un autre, l’hommage religieux qu’ils ne pouvaient lui rendre en eux-mêmes et qu’il fallait pour obliger le monde au respect. Un pourtant de ces poètes s’affranchit de l’hugolatrie[1]. C’est le plus clairvoyant de tous : le seul qui convienne qu’il soit un enfant, parmi tous ces enfants à prétentions tragiques oupédantesques, et le seul que trouble le regret de n’être pas un homme. C’est le plus clairvoyant et le plus insouciant des Romantiques, le plus gai, pourtant aussi celui qui poussa les plus douloureux cris. On sait les gamineries de Musset contre Hugo. Au fond de ces gamineries il y avait un grand sens. — Je ne veux pas exagérer Musset. Il y a de plus vastes parts que la sienne, il n’y en a pas de plus pures. Comme tous ceux de sa génération, il est une victime de Voltaire et de Rousseau, mais seul

  1. Un autre aussi : Henri Heine. En dépit de sa nationalité effective, Heine est avec Musset le plus foncièrement Français des poètes. Son esprit est français, son bon sens n’est pas allemand. Il parle des Légendes, mais il n’en a pas le sentiment, par exemple, de Schubert. Son chef-d’œuvre (Reisebilder) est un livre d’essence toute française.