Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/157

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Jéhova, Jéhova, ton nom seul me soulage !
Il est le seul écho qui réponde à mon cœur :
Ou plutôt ces élans, ces transports sans langage
Sont eux-mêmes l’écho de ta propre grandeur…


Quelques uns m’entendront ; quoique Alfred de Vigny et Baudelaire aient vécu, Lamartine reste, parmi les morts, notre seul Poëte, le seul dont le nom évoque tout un monde d’enchantement, d’aristocratie, de rêve, de Beauté. C’est que seul il échappe à ce triple malheur du caractère français : le didactique, le critique et l’ironique. Le Poëte, du moins, y échappe, sinon l’homme. Car il y eut un Lamartine national et vieilli qui avouait du goût pour Ponsard, Delavigne et Béranger, — et ce faux Lamartine-là subit en châtiment l’admiration des vieilles demoiselles. — S’il collabora, peut-être, au Jocelyn, il ignora tout des Méditations, des Harmonies, de la Chute d’un Ange et de Raphael. Lamartine avait conscience de cette dualité. Voici comment il s’en excuse : « Quelques pas chancelants et souvent distraits dans une route sans terme, c’est le lot de tout philosophe et de tout artiste. Les forces, les années, les loisirs manquent. Les jours de poëte sont courts, même dans les pluslongues vies d’homme. » Mais à ses jours de poëte il fut, plus nettement qu’aucun autre, excepté de la médiocrité héréditaire. Il eut l’intelligence d’une Nature en fête. Autour de son esprit se