Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/194

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Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la Divinité.

L’accent sévère, la réserve de cette révolte sonne les qualités rares de l’âme qui l’ose, — ardente et calme. Vigny est de la lignée de Pascal. Moins puissant, moins génial, plus occupé de l’aspect extérieur et sentimental, Vigny est aussi probe que Pascal et le sujet de leurs pensées est le même : Les Destinées. — On a cru Vigny athée : il ne l’est précisément pas plus que Pascal. Pascal sent crouler sous ses pieds le Temple qu’il défend ; Vigny regarde ces ruines, déclare qu’elles ne rendent pas — elles ne le rendent plus ! — le son divin, et passe. Mais comme tout Homme digne d’être Homme, c’est Dieu qu’il cherche. Son immense tristesse lui vient de l’heure d’interrègne où il vit. Sa tristesse est la même que celle de Musset, la même que celle de Sénancour.

Qui de nous, qui de nous va devenir un Dieu ![1]

Il leur manque à tous un symbole d’Infini qui réponde à tous les désirs de leurs âmes : l’Art — la Beauté en soi — ne se suffit pas encore et voilà que l’Évangile parle une langue morte. — Mais Vigny, sans peut-être s’en rendre exactement compte, contribue de toutes ses forces à dignifier l’Art de sa mission d’absolu. Stello cons-

  1. A. de Musset.