Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/200

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ble et de l’inouï ! «… Tout, dans la nature, prenait des aspects nouveaux, et des voix secrètes sortaient de la plante, de l’arbre, des animaux, des plus humbles insectes, pour m’avertir et m’encourager. Le langage de mes compagnons avait des tours mystérieux dont je comprenais le sens, les objets sans forme et sans vie se prêtaient eux-mêmes aux calculs de mon esprit ; — des combinaisons de cailloux, des figures d’angles, de fentes et d’ouvertures, des découpures de feuilles, des couleurs, des odeurs et des sons je voyais ressortir des harmonies jusqu’alors inconnues. Comment, me disais-je, ai-je pu exister si longtemps hors de la nature et sans m’identifiera elle ? Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même ou des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c’est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent, de proche en proche, aux planètes et aux étoiles. Captif en ce moment sur la terre, je m’entretiens avec le chœur des astres, qui prend part à mes joies et à mes douleurs. » — À cette magnifique intuition d’œuvres où l’art se fonderait sur la métaphysique Nerval joint encore le sens des légendes et celui du vers vraiment moderne, bien plus agile que le vers de Vigny, bien moins lâche que le vers de Lamartine, poétique infiniment plus que le vers d’Hugo, — vrai vers de rêve dont Les Chimères