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donnent des exemples courts et rares, mais incontestables.

Je viens de nommer Hugo. J’ai déjà dit qu’il est le répertoire de toutes les formules et qu’il est au bord de toutes les intuitions. Pourtant, quant à l’exemple réalisé, son œuvre est en ruines et son influence sur l’avenir sera presque nulle. Peut-être aurons-nous, un peu resserrés par le désir du rare, du spécial et de l’aigu, profit à nous retremper dans le flot intarissable de l’abondance hugolienne : personne ne lui demandera plus de conseil. Il a cru, en réunissant dans ses mains les fils du réseau spirituel qui se tendait autour de lui, accomplir le monument devant quoi l’avenir resterait à genoux, — et voilà que ce monument s’est écroulé ne laissant debout que quelques superbes pans de mur, — tels que L’Homme qui rit et Les travailleurs de la mer, choses trop littéraires peut-être, mais littéraires parfaitement, des vers çà et là (pas un poëme entier !) admirables, et çà et là des morceaux de prose[1]. Rendons-lui pourtant un grand hommage : il a authentiqué les libertés que son temps sentait nécessaires, il a par là contribué

  1. Parmi les plus beaux et les moins connus signalons les pages d’histoire qui terminent dans quelques éditions les volumes du Rhin. Victor Hugo y atteint à la synthèse historique. Ces pages vides de faits, pleines de pensées, très exceptionnelles dans toute la production romantique, sont peut-être, avec des instants de Michelet, ce qui, chez nous réalise le mieux niistoire proprement dite, cette futurition du passé.