Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/218

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la Poésie française dans ses vers et dans sa prose — cette prose incomparable des Petits Poëmes et des Paradis Artificiels ! — Ce grand effort et l’objet désolant de sa constante vision lui ont donné une amertume inguérissable. Triste et superbe visage que celui de ce Poëte ! Il faut le voir, non pas dans le médiocre portrait[1] des Fleurs du Mal, mais plutôt dans le Baudelaire vieilli que nous montre une photographie des dernières années. Cette bouche qui méprise et ces yeux qui fouillent et jugent, sans plus beaucoup d’intérêt peut-être, mais aussi sans pitié ! Un reflet de toutes les hideuses pensées sur ce beau visage et comme une perpétuelle vision de châtiments. Les cheveux restés longs et qui blanchissent, un côté du visage ironique, l’autre rigide et comme d’un mort, les yeux hagards, les lèvres dégoûtées et serrées…

Flaubert, Sainte-Beuve, M. Leconte de Lisle et les Parnassiens[2] ont concouru, formellement, à une grande révolution littéraire. Foncièrement, chacun d’eux a fait une œuvre d’intérêt inégal, mais qui, chacune, pressent l’avenir.

Je ne sais si les langues se fixent : oiseuse question ! Tout écrivain, aujourd’hui, plus ou moins, fait sa langue. Toutefois je pense que, pour de

  1. De l’édition Lévy. Le portrait de l’édition Lemerre est encore plus médiocre.
  2. Des Parnassiens j’excepte MM. Verlaine. Villiers de l’Isle-Adam, Mallarmé.