Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/331

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drait-il de ne pas oublier qu’il y a des raisons naturelles à quelques-unes de ces lois, — non ! à une seule qui résume toutes les autres : le vers, émission unique d’un souffle humain, a pour bornes les bornes du souffle humain : ce qui se tient dans ces bornes est Vers, ce qui les dépasse est Prose. Ni les Grecs, ni les Latins, ni les Allemands n’ont jamais transgressé cette loi.

Mais ce n’est point tant ici le résultat que le but de l’effort et ses causes qu’il faut apprécier. Gustave Kahn a compris que, pour les projets qui s’imposent, ni la prose seule, ni les vers seuls ne suffisent. Il les mêle ; c’est la loi du mélange qu’on peut critiquer, non pas le mélange même. Et il procède avec intelligence, combinant bien les faibles et les fortes ; seulement il se maintient trop dans l’atmosphère pure du lyrisme, où détonne cet accent de prose qu’il indique pourtant expressément par la suppression de la capitale initiale, mais qu’il semble, pourtant encore, démentir par cette autre suppression des détails de la ponctuation, comme voici :


On mourait, au fond d’or des basiliques amples
des tourmentes d’odeurs douces s’exhalaient de tes rampes
aux faîtes des tours des attentes de langueur
les haltes florissaient en larges reposoirs
où des gaines de velours des couteaux dormaient en tes soirs
Et sur l’âme des pierres planait un regard lourd.


Et encore, de cette même Nuit sur la Lande :