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Pierre à pierre ont croulé le temple et la cité
Et sous le flot rayonne un éclair irrité
D’or barbare frisant au front d’un simulacre ;


Vers la Forêt néfaste vibre un cri de mort.
Dans l’ombre où son passage a hurlé gronde encor
La disparition d’une horde farouche,


Et le masque du Sphinx muet où nul n’explique
L’énigme qui crispait la ligne de sa bouche,
Hit dans la pourpre en sang de ce coucher tragique ! [1]


Et ces premiers vers d’un Prélude :


Parfums d’algues, calme des soirs, chansons des rames,
Prestige évanoui dont s’éveille l’encor !
Et l’arôme des mers roses où nous voguâmes
À la bonne Fortune et vers l’Étoile d’or ;
Écho d’une autre vie où vécurent nos âmes.


La mémoire d’alors et de tous les jadis
Où notre rêve aventura ses destinées
Aux hasards des matins, des soirs et des midis ;
Et le mal de savoir que des aubes sont nées
Plus belles sous des cieux à jamais interdits.


Le songe d’un passé de choses fabuleuses
Propagé son regret en notre âme qui dort…
Souvenir exhalé des ardeurs langoureuses
Qu’une Floride en fleurs épand sous les soirs d’or
Où les clartés des Étoiles sont merveilleuses.

Albert Jhouney, par la nature de son esprit orienté aux seules réalités absolues, est à merveille le Poëte pour qui la Beauté ne ressort que de la Vérité. C’est un mystique, certes, et c’est même l’adepte des Très Hautes Sciences

qu’une triste mode est de railler sans les connaî-

  1. Henri de Régnier : Épisodes.