Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/358

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« Francis Poictevin est un paysagiste comme Corot, un peintre de la mer et de la plante comme il n’y en eut pas, un prestigieux aquafortiste, connaissant les calmes morts de la lumière. L’âme et la chair humaine paraissent lui échapper[1]. » Aussi sa pensée s’écarle-t-elle des êtres avec un étonnement tremblant et presque voudrait disparaître pour ne point gêner l’expert analyste de ses propres sentiments transposés en des choses de nature, les arbres, les pierres, l’eau. Mais l’analyse, par d’étranges prestiges de justesse et d’acuité, parvient à se dépasser elle-même, en quelques lignes évoque la vie complète, la secrète vie qui rêve dans les hêtres, dans les gouttes d’eau, et dans l’au delà de l’infinitésimal. Et parfois l’analyse, soutenue par l’extraordinaire vision d’un poëte-peintre, ose s’en prendre aux figures humaines à travers le génie d’un Primitif ou de Gustave Moreau, — plus souvent recherche, dans le passé, des souvenirs, — jeunesse, adolescence, enfance, — et restitue alors l’ancien visage, dans cette hésitation délicieuse de la lumière au commencement du jour, alors que les choses sont nettes déjà, mais gardent une fraîche possibilité d’être autre chose. Plus volontiers encore suivrai-je l’artiste, pour qui le mot « délicatesse » ne serait qu’une caractéristique par trop initiale, en de

  1. Émile Hennequin, Revue contemporaine, tome III, n° 2.